Les clés pour rénover un bâti ancien

Peut-on comparer une Volkswagen Coccinelle originelle et le modèle d’aujourd’hui, ou la Fiat 500 historique avec sa version électrique ? Les deux se déplacent et portent le même nom. Il en est de même entre une maison de 300 ans et une maison actuelle. Rendre confortable, économe ou écologique une maison ancienne est possible mais il faut être astucieux voire patient. Voici les clés et le plan de bataille

La géothermie pour chauffer l'Elysée

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Comment chauffer les 2 300 pièces du Château de Versailles, si possible avec des énergies renouvelables ? Comment isoler la Galerie des Glaces ? Heureusement, il est vide. Nos amis anglais eux, ont toujours des têtes couronnées à chauffer. Ils se posent donc la même question avec Buckingham Palace, qui ne comporte que 775 pièces. A l’automne 2023, l’Élysée (seulement 365 pièces) a montré l’exemple avec la mise en place d’un système de chauffage par géothermie, pour 5 millions d’euros. Le même réflexe que le retraité qui remplace sa chaudière au fioul sans engager de travaux d’isolation.
Ces exemples peuvent paraître extrêmes mais ils sont le problème quotidien des collectivités locales et des services de l’État, logés dans de l’historique classé ou dans du délire d’architecte mégalomane.
Il y a donc un certain paradoxe à ce que les hauts fonctionnaires du ministère du logement (DGALN), installés dans la Tour Sequoia à Puteaux (119 m de façade en verre), passent leurs journées à élaborer des règlementations environnementales toujours plus précises.

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La réglementation et les aides à la rénovation fourrent tout dans le même sac et se fichent de l’âge du bâtiment.

Tout dépend de l'âge de l'ancien

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Définition de l'ancien

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L’une des premières difficultés en matière de rénovation est de définir ce qui est ancien. Car tous les bâtiments, un jour, ont été flambants neufs. Par exemple, une maison construite selon les règles de la réglementation thermique 2000 est-elle encore considérée comme performante sur le plan de la réduction des énergies ? Oui, répondra un DPE, s’il est correctement réalisé et si les critères ne sont pas revus à la hausse, comme cela a été le cas pour la pollution automobile. Mais les occupants vous confirmeront qu’il y a encore beaucoup à faire pour limiter la surchauffe estivale.
Pourtant, la réglementation et les aides à la rénovation fourrent tout dans le même sac et se fichent de l’âge du bâtiment. C’est le résultat qui compte – dans le cadre d’une rénovation globale – pas les moyens pour y parvenir.

Tenter un classement de l'ancien

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Ainsi, le bâti «ancien» peut être classé en différentes catégories.
Les constructions les plus récentes, depuis le début du siècle (2000), sont globalement conformes vis-à-vis des nouvelles règles environnementales. Les améliorations sont faciles à mener et vont concerner le remplacement de la chaudière, l’amélioration de la ventilation, une protection solaire passive et, éventuellement, l’ajout d’une source d’énergie renouvelable. Tout cela peut être mené sans travaux structurels, au gré des aménagements ou des changements d’occupants.

Mauvaise pioche

Les constructions construites après les premières réglementations thermiques et jusqu’aux années 2000 posent problème. Elles sont mal classées sur le DPE mais ne sont pas pour autant des passoires. En revanche, les travaux d’amélioration précédents ne suffiront pas. Il faut intervenir sur l’isolation existante, principalement réalisée par l’intérieur. Elle a vieilli et n’offre pas les performances attendues aujourd’hui car les exigences de l’époque étaient bien plus faibles.
Il faut alors se poser la question de tout enlever pour refaire à l’extérieur, de compléter à l’intérieur, ce qui n’est pas envisageable à ce jour, ou de compléter à l’extérieur, ce qui demande une étude thermique précise pour éviter des désordres, liés à l’humidité en particulier. Tout cela doit être mené en prenant en compte l’état du bâti, de l’isolant existant et de la technique d’isolation complémentaire envisagée. Il n’y a que des solutions au cas par cas. L’investissement peut s’avérer particulièrement important.

Un gisement méconnu

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Les constructions d’après-guerre et jusqu’aux années 80 ne présentent pas la difficulté de garder l’isolation puisqu’elles en sont soit dépourvues soit tellement ancienne qu’elle est bonne à jeter.
C’est donc une page blanche sur laquelle il est possible de concevoir une rénovation performante, sans surcoût de démolition, en bénéficiant des aides à la rénovation. Cela a fait émerger un mouvement spéculatif important. Car ces logements étant des passoires thermiques, maisons ou appartements, ils sont revendus en dessous du prix du marché.
La différence paye largement les travaux de rénovation. Et le bien revient alors sur le marché avec le meilleur classement possible.

Pour le très ancien

Lorsque le bâtiment avoisine le siècle d’existence, il faut adopter une stratégie du temps long. Il ne sera jamais possible d’atteindre les standards de confort et d’économie d’énergie modernes sans modifier sensiblement le caractère patrimonial de la construction. En tout cas pour l’hiver car l’été ces maisons-là sont fraîches et imbattables. Peut-on envisager d’isoler les murs du Louvre par l’extérieur ou même l’intérieur ? La difficulté se pose aussi pour l’architecture vernaculaire, celle du bâti modeste qui fait pourtant le caractère d’une région, comme la brique du Nord.
En d’autre lieu, c’est le mode de construction qui limite les possibilités d’amélioration. Difficile en effet, d’isoler un mur en terre crue, bauge ou pisé.

Comment avancer ?

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Pourtant, la nécessité d’intervenir s’impose car il est injuste de grelotter ou de payer des factures d’énergie astronomiques au seul intérêt de la défense du patrimoine.
Il faut donc une évolution, aussi bien du côté des ABF (Architectes des Bâtiments de France) et des gardiens de l’orthodoxie, que du côté des exigences environnementales. Que peut bien signifier une ACV pour la rénovation d’un bâtiment séculaire ou une consommation d’énergie primaire au mètre carré d’un bâtiment impossible à isoler ? A l’inverse, peut-on concevoir une isolation des ouvertures performantes, la modification de la nature des volets ou l’intégration des panneaux en toiture sans s’attirer les foudres des défenseurs d’un pays fantasmé ?

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Garder l'esprit d'origine ... il faut du bois, respecter le style, voire penser aux doubles fenêtres.

Rénovation de l'ancien en pratique

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A - Cela reste possible

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Heureusement, tous les bâtiments n’affichent pas la même valeur patrimoniale et la grande majorité peut être rénovée en associant confort et économies. En revanche, garder l’esprit d’origine revient plus cher. Interdire le plastique se comprend pour un bâti où il n’existait pas à l’époque où il a été érigé. Exit donc le PVC pour les fenêtres ou les volets, mais aussi l’aluminium. Il faut du bois, respecter le style, voire penser aux doubles fenêtres. C’est plus cher. Cet exemple se décline à l’infini, pour chaque type de travaux. L’isolation, lorsqu’elle est possible, sera faite en fibres naturelles compatibles avec les matériaux historiquement présents. Cette démarche permet surtout d’éviter de créer des désordres supplémentaires, à l’exemple de ces façades grattées jusqu’à l’os ou, au contraire, enduites d’un ciment Portland, qui n’en finissent pas d’exhiber les dégâts d’un lifting raté.
Un dernier exemple : le chauffage. Oui, il est possible de se passer de radiateurs, à eau ou électrique, ou de cassettes hideuses de diffusion d’air chaud. Pour cela, il faut installer un chauffage par le sol. Et donc casser le plancher existant, tout enlever, isoler, poser le réseau de chauffage et refaire le revêtement de finition. La restauration est parfaite, le chauffage invisible, le confort réversible… et le coût astronomique.

B - L'état des lieux

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Quel que soit l’âge de la construction, mais surtout pour le bâti historique, un état des lieux complet est à réaliser. Il dresse la liste de tous les désordres telles que les fissures, infiltrations, moisissures, décollements. Il est complété par un audit énergétique, la version luxe du DPE.

C - Le plan d'action

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L’étape suivante consiste à articuler les interventions à réaliser de manière à les conduire dans un ordre logique. Isoler un mur fissuré n’a pas de sens, pas plus que de créer une salle de bains sans revoir la plomberie, de laisser le réseau électrique sans protection ou de commencer par installer une pompe à chaleur géothermique avant de penser au reste.
Cette phase est complexe car elle fait intervenir différents corps de métiers pour des travaux souvent imbriqués. Elle sert aussi à définir les différents postes, les «lots», qui seront estimés individuellement et confiés à des entreprises distinctes. Elle permet enfin de hiérarchiser les travaux, entre les plus urgents qui concernent la structure, et les autres. Une notion essentielle si les capacités financières obligent à faire des choix et à étaler les travaux sur une longue période.

D - Les devis, le budget, les autorisations et les aides

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L’état des lieux, le plan d’action permettent de contacter et de négocier avec les professionnels. Il faut noter que ces tâches préliminaires peuvent être confiées à un architecte lorsque les budgets à prévoir le justifient. Car l’obtention des devis permet d’estimer les sommes à mettre en face, éventuellement réduites par les aides accordées. Une fois encore, tout cela est lié puisque de nombreuses aides justifient leur obtention par le recours à un professionnel agréé. Il faut même souvent initier la demande avant de signer les devis. La partie administrative s’achève enfin par l’obtention des autorisations telles que la déclaration de travaux ou le permis de construire.