Petite histoire de la rénovation... et de la démolition

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La rénovation des bâtiments et des maisons est directement liée à l’évolution des techniques dans l'histoire. Depuis toujours, on rénove quand il est possible de faire mieux qu'avant. Et la plupart du temps on démolissait en servant des matériaux pour reconstruire. Sinon on réutilisait les bâtiments pour d'autres utilisations...

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L es questions autour de la préservation du patrimoine sont récentes en regard de l’histoire de la construction. Car celle-ci accompagne l’espèce humaine depuis toujours. Alors que le besoin de conserver des traces du passé ne date que des lois de préservation, type Malraux, des années 50 à 70 du siècle dernier. Auparavant, de nombreux bâtiments prestigieux ont disparu sous les assauts des démolisseurs sans autre forme de procès, ni même susciter d’émotion particulière. Parmi les symboles emblématiques, on peut citer la Bastille ou l’Abbaye de Cluny, dont il ne reste rien ou presque, sauf dans les pierres des maisons et des ponts des quartiers et villages alentours. La liste est sans limite et ne comprend même pas les hôtels bourgeois et autres demeures seigneuriales, recyclées en matériaux de construction préfabriqués, à faible empreinte carbone et en circuit court.
Le procédé a toujours été de mise. Nombre d’édifices romains ont servi à élever des quartiers entiers.

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Il faut en effet comprendre que, jusqu’à très récemment, il était aberrant de se débarrasser des gravats en décharge.

Principes et techniques

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Lorsqu’un bâtiment répond à une fonction ou peut s’adapter à l’évolution de celle-ci, il était conservé et entretenu, donc rénové. C’est le cas des églises ou, par exemple, de la Maison Carrée de Nîmes, temple romain, devenu maison consulaire, habitation, écurie, église, préfecture ou même tombeau au fil des époques. Elle appartient désormais au patrimoine mondial de l’Unesco.
A l’inverse, dès qu’un bâtiment perd sa fonction, il est progressivement démoli et entièrement recyclé sur place. La destruction s’effectue par lot, d’abord les revêtements décoratifs, puis les menuiseries et le second œuvre, pour finir avec le gros œuvre, de la charpente aux fondations. Le processus peut prendre des dizaines voire des centaines d’années.
Il faut en effet comprendre que, jusqu’à très récemment, il était aberrant de se débarrasser des gravats en décharge. Tout simplement, parce que le coût énergétique de ce gaspillage était trop important, à l’époque des bœufs et des charrettes. Il était bien plus efficace – et rentable – de récupérer ce qui pouvait l’être et d’utiliser le reste comme remblai, renforcement de sol ou hérisson de fondation.
Ce n’est que lorsque l’énergie a perdu sa valeur qu’il est devenu plus «rentable» de tout jeter sans faire de tri. Le phénomène a débuté au XIXe siècle et commence tout juste à amorcer son déclin.
En effet, désormais, l’énergie a retrouvé de la valeur. Démolir et recycler, si possible sur place, prend la forme d’une innovation révolutionnaire. Prendre en compte l’usage, la fonction et l’évolution du bâtiment dès sa construction s’imposent par souci de rentabilité. Cela correspond aux préoccupations environnementales qui prônent la même vertu. Ainsi, activistes du climat et climatosceptiques peuvent s’accorder sur le même objectif, même si leurs motivations sont différentes.

L'évolution des techniques

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Le deuxième moteur historique de la rénovation est l’évolution des techniques qui, plutôt qu’une voie de chemin de fer rectiligne, s’apparente plutôt à la ramure d’un arbre bien touffu. Car, depuis, toujours, les méthodes de construction ont cohabité. Un temple ou un édifice de prestige n’a jamais été construit comme un logement du peuple. Les ressorts sont toujours les mêmes à savoir le coût de construction, sans limite dans un cas, au plus juste dans l’autre. 
Au fil des époques, l’expérience de la construction a donc évolué en différentes branches, par le type de bâtiment, par la région et ses disponibilités en matériaux ou en réseaux marchands, mais aussi par les découvertes, l’arc de plein cintre, la croisée d’ogive, le ciment Portland, le triple vitrage.

Des compagnons à la réglementation

Longtemps, le savoir majeur a été détenu par les confréries et les corps de métier. Des artisans, maîtres de leur art, des ouvriers spécialisés qualifiés, se déplaçait d’un chantier de prestige à l’autre, au gré des appels d’offre, comme aujourd’hui. Ce savoir infusait localement. L’architecture locale, vernaculaire, reprenait les principes pour les adapter. 
Les premiers ouvrages portant sur la manière de bien construire avec la volonté de la rendre universelle datent des XVIe et XVIIe siècles. Aujourd’hui, les règles de construction et de rénovation s’imposent à tous et sont à la portée de tous. Il suffit d’acheter les normes et les DTU ou les Eurocodes.

Les règles techniques et les autres

Ces règles de construction visent à prévenir les malfaçons, les désordres et à garantir l’usage pour lequel le bâtiment est prévu. Il y en a bien d’autres. 
- Le droit du travail comporte toute une section sur la prévention des accidents et la sécurité des chantiers.
- Les règles d’urbanisme conditionnent les capacités de construire et déterminent les caractéristiques du bâtiment ainsi que son intégration dans son environnement.
- Les Plans de Prévention des Risques complètent les règles d’urbanisme vis-à-vis des aléas naturels ou industriels.
- Une autre partie de la réglementation peut se regrouper dans une section adaptative. Il s’agit des réglementation thermiques et environnementales, de celles portant sur l’usage et le handicap, de la législation sur le plomb ou l’amiante, …
- Désormais, s’ajoute la prise en compte de l’acte de construire dans l’activité humaine au sens large, avec la préservation des ressources (matières premières, rejets dans l’environnement), la consommation d’énergie et l’impact sur le réchauffement climatique.

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Il s’agit de construire pour longtemps, avec des matériaux peu gourmands en énergie de production ... et la mise en œuvre de sources d’énergies renouvelables.

Des bureaux rénovés

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Une autre rénovation : transformer les bureaux en logements

La flexibilité d’usage en est à ses balbutiements avec les premières tentatives timides pour changer l’affectation des bâtiments de bureaux en logements. C’est compliqué parce que la construction n’est pas conçue pour cela. Ce sera plus facile à l’avenir, avec des configurations aisément transformables au gré des besoins des occupants.
Cette flexibilité est compatible avec l’amélioration de l’accessibilité. La contrainte réglementaire, pourtant en place depuis des décennies, peine à offrir des logements, des bureaux ou des équipements publics, à la portée des porteurs de handicap. La flexibilité, rendant possible l’adaptation à moindre coût, pourrait constituer une lueur d’espoir.

Il faudra construire sur un terrain déjà ... construit

Ha Habitat durable
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Première tendance : le durable

Dans les années 60 ... du siècle dernier, l’avenir était au tout béton, au plastique, aux robots ménagers et à la femme au foyer, mère aimante et épouse attentionnée. Tout le monde se souvient de Mon Oncle de Jacques Tati ! Aujourd’hui, la tendance est à la fin des temps à l’écoanxiété morbide. Ce qui reste intangible, c’est la nécessité de loger les survivants aux grandes catastrophes et le plus confortablement possible.
Il s’agit de construire pour longtemps, avec des matériaux peu gourmands en énergie de production, de mise en œuvre et d’usage, complétés par une efficacité énergétique optimale et la mise en œuvre de sources d’énergies renouvelables.

Deuxième tendance : la ZAN

Plus généralement, la densité urbaine devrait augmenter, avec l’arrêt de l’artificialisation des sols naturels, la réhabilitation des friches industrielles, la restructuration des zones commerciales d’entrée de ville, la concentration des services publics et de l’activité économique. L’augmentation de la densité urbaine induit le retour du logement collectif au détriment du rêve français de la propriété individuelle, qui connaît ses derniers avatars avec ces lotissements sans terrain ou presque, entièrement artificialisés pour ne pas passer la tondeuse. C’est le modèle dénoncé par tous, à ne suivre sous aucun prétexte. D’ailleurs, la loi Climat et Résilience de 2021 prévoit un ZAN (zéro fiscalisation nette) pour 2050. En claire on ne pourra bâtir que sur un terrain qui a déjà accueilli une construction. Il est vrai que cette tendance a été largement promue et popularisée durant les 30 glorieuses et jusqu’à aujourd’hui. Il est vrai aussi que l’importance du phénomène est plutôt une particularité française. Les nombreux adversaires de cette situation pensent qu’il est possible d’inverser le mouvement. En attendant, les terrains à bâtir continuent à se vendre.
Et quel avenir en matière de rénovation ? Aucune évolution majeure. Il faudra toujours renouveler, entretenir, remplacer, maintenir en usage. Certes, certains procédés pourront être avantagés alors que d’autres se verront abandonnés. Mais l’avenir s’annonce sans crainte pour les entreprises du bâtiment spécialisées dans la rénovation.