Maisons de la Somme

Fermes, maisons de pêcheurs ou d’armateurs... toutes les maisons d’ici n’ont pas connu le même sort. Certaines, plus résistantes que d’autres, ont traversé les âges, mais toutes ont subi les affres des guerres mondiales. Voici quelques pistes pour redécouvrir et réhabiliter les « survivantes ».

Style

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Les simples maisons en terre ou les demeures plus élaborées d’origine ont toutes été transformées en fonction des besoins de leurs habitants.

le nuancier de la somme

Côté Architecture

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Une terre ravagée

Il y a 100 ans, la Somme subissait les désastres de la Grande Guerre. De 1914 à l’armistice de 1918, une large part de son patrimoine a été détruite. Au sortir du cauchemar, tous les repères ont changé. La reconstruction s’est réalisée en trois étapes, d’abord la reconstitution des terrains et des infrastructures principales ainsi que la construction de logements provisoires, des baraques en bois ou en tôle ondulée le plus souvent. Dans un deuxième temps, les infrastructures secondaires sont reconstruites ainsi que les bâtiments publics et les fermes. Enfin, à partir de 1924, ce sera le tour des logements, des églises. Le tout sera à peine terminé… à l’aube de 1939. Ce sera l’occasion d’intégrer les équipements modernes, tout en conservant une certaine idée des traditions régionales. Mais au final, le béton finira par s’imposer, selon une architecture moderne, simple et rationnelle.

 

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La reconstruction sera l’occasion d’intégrer les équipements modernes, tout en conservant une certaine idée des traditions régionales. Mais au final, le béton finira par s’imposer...

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Maisons de pêcheurs

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Elles sont basses et étroites pour se protéger des vents humides de la baie. De plain-pied, élevées en double mitoyenneté, elles étaient à l’origine dotées d’une seule pièce d’habitation (20 à 25 m2), avec un sol en terre battue, jadis ravivé au racloir. Alignés le long des rues, ces modestes logis ont souvent été regroupés (par deux ou trois), pour accroître leur surface habitable. Depuis les années 1960-1970, un étage les rehausse souvent tandis que le comble est ajouré d’une lucarne. Plus hautes que larges, les fenêtres sont dotées de trois carreaux et protégées de volets pleins à barres horizontales ou persiennés (blanc crème, bleu pâle, vert sombre).

Demeures d’armateurs

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Plus cossues, elles s’élèvent sur deux voire trois étages ajourés de baies bien alignées que coiffe un toit en ardoise percé de lucarnes à fronton, œil-de-bœuf… Au milieu du XIXe siècle, la mode des bains de mer bat son plein. Guerlain, le parfumeur de l’impératrice Eugénie, tente de faire du Crotoy, « seule plage du Nord exposée au midi » une station en vogue – mais avec un succès mitigé. Juste en face, la cité médiévale de Saint-Valery-sur-Somme profite de la ligne de train Paris-Boulogne pour attirer les amateurs d’excursions. Des maisons bourgeoises prennent alors des airs pittoresques avec leurs façades recouvertes d’un badigeon imitant la pierre de taille (rez-de-chaussée), et la brique aux étages. Briques émaillées, frises de céramique, balcons en fonte moulée, consoles sculptées en têtes de lions, invitent à lever les yeux.

Côté Rénovation

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Les façades

Sauvez la terre !
Vous souhaitez redonner vie à une maison ou à une vieille ferme en pans de bois et cachée ? Bravo, vous êtes la providence même ! D’un coût abordable parce que laissée à l’abandon, elle vous forgera une expérience de restauration inoubliable, et vous permettra de découvrir les qualités spécifiques du torchis. Isolant (10 cm de torchis = 23 cm de brique pleine = 50 cm de mur en pierre), ce matériau de remplissage non porteur contribue aux conforts thermique et phonique tout en parant les façades de belles nuances ocrées. « Fais ta maison en torchis, tu y auras chaud l’hiver et frais l’été » dit le dicton. Enfin, sa plasticité évolutive est idéalement compatible avec le pan de bois qui, avec les ans, se rétracte.

Jeux de matériaux, effets de damier
Ici, la diversité est de mise. Se côtoient craie, briques (brute ou vernissée), silex, grès, torchis… qui s’associent parfois pour former d’étonnantes marqueteries minérales. Ainsi, soubassements et pignons présentent parfois des maçonneries composites formées de silex noirs taillés en pavés et de briques assemblées selon un plan en damier. Des pignons s’élèvent en blocs de craie et s’achèvent par des rangs de briques disposées en dents de scie pour former des rives rectilignes (« couteau picard »). En cas de reprise, il convient bien sûr de les consolider avec les mêmes matériaux locaux en respectant le style d’appareillage, l’épaisseur des joints et le type d’encadrements des baies (linteaux, arcs, jambages). En cas de création d’une fenêtre, veillez à l’aligner sur l’axe des ouvertures existantes et tenez compte de la palette des couleurs locales.

Vitales protections !
Animer, personnaliser et individualiser les façades tout en les préservant des intempéries : tels sont les rôles des laits de chaux, bardages bois, essentage de tuiles, peintures… Dictés par les contraintes climatiques ou la tradition locale, ces éléments protecteurs doivent être régulièrement entretenus pour protéger la longévité de votre patrimoine. Exposées aux pluies océaniques, les maisons du littoral montrent un soubassement souvent protégé par une peinture goudronnée qui crée une animation visuelle très graphique. Sensibles aux vents chargés d’humidité, les murs en torchis non protégés par un enduit étaient revêtus d’un bardage en clin (planches d’orme, frêne… posées à recouvrement horizontal) tandis qu’un essentage de tuiles préservait le haut des pignons. Laissées sans entretien, lames de bois et tuiles finissent par se décrocher puis tomber, laissant les façades subir le ruissellement de l’eau. Une réfection complète s’impose alors pour éviter le pourrissement du bâti. Au préalable, des reprises partielles du torchis peuvent être nécessaires afin qu’il ne présente ni trous, ni crevasses et adhère parfaitement au lattis. Comme le bardage ne supporte pas la rétention d’eau, il se fixe sur une trame verticale de tasseaux qui ménage une lame d’air, garante d’une bonne ventilation (15 à 30 mm). Autoclave, thermo-huilé, lasuré, les traitements sont variés comme les essences : douglas, épicéa, red cedar, châtaignier, orme, robinier… Question de goût et de budget.
Dépourvus de gouttières, les toits des maisons rurales se terminent souvent par un « coyau », un débord formé de sections de chevrons inclinées par rapport à la pente pour éloigner l’eau de pluie des murs.

Côté Culture

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Histoire et géographie

Fleuve qui vagabonde et se disperse en marais, étangs et jardins flottants, la Somme traverse une mosaïque de terroirs qui égrène plateaux ondoyants, estuaire sauvage, réserve d’oiseaux migrateurs, stations balnéaires Belle Époque… Cap sur le joyau de la Picardie.

La Somme, tout compte fait !

Au centre, l’Amiénois traversé par la vallée de La Somme, royaume des marais et jardins potagers ottants, paradis des maraîchers, pêcheurs et amoureux de nature. Autour d’Amiens, carottes, laitues, choux-fleurs… règnent sur un lacis de 300 hectares. Appelées «hortillonnages», ces terres sillonnées de canaux produisent jusqu’à trois récoltes par an. À l’est, le Santerre est une opulente région agricole («Sana terra», terre saine et fertile). Au nord-ouest, s’ouvre le Ponthieu, plateau couvert de grandes cultures bordé par la forêt de Crécy qui compte 4000 hectares de hêtres, charmes, chênes…

Les préjugés ont du bon

Fait rare, la côte picarde, victime d’une image repoussoir de région froide et venteuse, a échappé au bétonnage. Y alternent falaises, dunes, réserves ornithologiques et villages de pêcheurs qui ont évolué en stations balnéaires pleines de charme. Majestueux estuaire où s’unissent terre, mer et ciel, la baie de Somme vit au rythme des marées qui, deux fois par jour, lui insufflent la vie, redessinent sa côte, laissant apparaître bancs de sable, chenaux, prés-salés… Au nord, le spectacle de la nature prend toute sa force avec le Marquenterre («mer qui est en terre»), où abondent oies cendrées, alouettes, mouettes rieuses… Généreuse avec la faune, la baie l’est aussi avec les hommes. Sur la grève, les pêcheurs à pieds traquent les coques, les cueilleurs ramassent salicornes, oreilles de cochon et asters, les mytiliculteurs s’activent autour de leurs bouchots de moules tandis que l’estran est le domaine des moutons à têtes noires.

Terre en vue mais en péril

L’habitat type est la ferme à cour fermée. Longs et bas, les bâtiments (grange, étable, écurie, habitation) s’y déploient par travées. Jusque vers 1930, la plupart était bâtie en pans de bois recouverts de torchis, un mélange de terre argileuse (prélevée à même le sol) et de paille d’orge ou d’avoine. La méthode consistait à dresser une ossature de poteaux sur un soubassement (briques ou silex), ceinturée de branches refendues de noisetier entre lesquelles le maçon projetait une épaisse couche de torchis. Réalisé avec les ressources locales et un sens de l’économie, cet habitat écologique avant l’heure disparaît pourtant inexorablement.