Rural et nourricier, le pays d’Auge profite d’une terre fertile coiffée d’un climat doux et humide. Les maisons qu’il porte sont variées dans leurs styles et leurs usages, mais utilisent presque toutes un même matériau : le bois. Bien sûr la terre n’est pas oubliée, elle entre dans le processus de construction à la meilleure place, celle du remplissage entre les éléments du colombage.
Style
Autant les fermes de l’intérieur sont simples, autant les villas des stations balnéaires, construites pour la plupart au XIXe siècle, sont exubérantes. Tous les pseudo-styles y sont représentés : néo-normand, néo-gothique, néo-mauresque. L’emploi décoratif d’éléments de construction pittoresques ou typiques de la région caractérise ces styles.
le nuancier du pays d'auge
Côté Architecture
Maison-charpente
Ces ouvrages de charpenterie apparente sont formés d’un « squelette » de murs-charpente élevés sur un solin de maçonnerie, faisant office de fondations et de barrière contre l’humidité du sol. De longues poutres horizontales (sablière basse) venaient le ceinturer avant de recevoir les poteaux d’angle (ou « corniers ») et les poteaux intermédiaires (ou « colombes ») du premier niveau. À l’intérieur de ces cadres (assemblés par tenons-mortaises chevillés), les charpentiers fixaient des « décharges » pour orienter les forces de poussée et empêcher les déformations. Solidarisée par une sablière intermédiaire, l’extrémité des poteaux recevait les poutres et solives du plancher. Puis les charpentiers renouvelaient l’opération pour former le premier étage.
A étages modulables
La technique des « bois courts » qui s’interrompent à chaque niveau pour former des étages indépendants est caractéristique de la fin du Moyen Âge. Ainsi affranchis des contraintes dimensionnelles de l’arbre (5 à 6 m de portée), ils édifient des demeures plus élancées où dominent les lignes verticales rythmées de fenêtres disposées avec une certaine symétrie et maints contreventements très graphiques. Autre méthode : faire déborder en porte-à-faux l’extrémité des planchers d’environ 50 cm pour accroître la surface habitable. L’impôt foncier étant lié à l’emprise au sol de la maison, cet encorbellement était net de taxe. De cet art de bâtir sont nées diverses figures décoratives : croix de Saint-André, motifs en épis, feuilles de fougères… Les vides étaient garnis de torchis (terre argileuse mêlée de paille), plaqué contre des « palençons » ou « gaulettes » (pièces de bois placées en force entre les poutres).
La technique des « bois courts » qui s’interrompent à chaque niveau pour former des étages indépendants est caractéristique de la fin du Moyen Âge.
Côté Culture
Histoire et géographie
Avec ses routes qui serpentent entre prairies et manoirs zébrés de colombages, ses vaches broutant les gras pâturages piqués de pommiers, le pays d’Auge fleure bon le terroir. C’est le domaine de l’élevage laitier, véritable or blanc, source d’une trilogie onctueuse de beurre, de crème et de fromages. Mais ce royaume de la bonne chère n’est pas moins réputé pour ses viandes et charcuteries, ses poissons et crustacés de la Côte fleurie. Quant aux pommiers, ils prodiguent maintes variétés de fruits et desserts qu’il faut arroser de cidre fruité et pétillant !
Côte fleurie et fièvre balnéaire
Entre 1845 et 1865, la haute société parisienne parsème la côte de stations balnéaires mondaines : Trouville, Deauville, Cabourg… Souvent, l’histoire de leur création se répète. Sur ce qui n’est alors que marais et dunes, banquiers et hommes d’affaires achètent des parcelles. Autour d’un casino, d’un grand hôtel et d’une gare, des avenues sont tracées, des arbres plantés et une promenade en front de mer aménagée tandis que fleurissent de pittoresques villas de style néo-normand, néo-gothique, néo-mauresque… Peintres, aristocrates et têtes couronnées assurent leur renommée. Mais on vient sur la Côte fleurie moins pour le soleil (dont on se méfie), que pour respirer l’air iodé et profiter des vertus de l’eau de mer vantée par les médecins. Pudeur et règlement obligent, la baignade s’apparente à un cérémonial : on se change dans une cabine tractée par un cheval jusqu’au rivage avant de s’exposer avec bravoure « à la lame » (vague en marée montante) !
le Colombage, roi du bocage
Peu touché par les remembrements, ce pays regorge de joyaux d’architecture. Chaumières desservies par un chemin creux, colombiers et manoirs y abondent (on en dénombre plus de deux cents). Bien que largement disponible, le calcaire de la plaine de Caen et de Falaise a été délaissé au profit du bois d’un rapport volume/poids plus avantageux qu’une lourde et coûteuse maçonnerie. Voilà pourquoi forêts et haies vives ont livré leurs chênes (débités en poutres) et leurs branches d’ornes taillées en lattes ; et le sol a prodigué sa terre argileuse pour la confection du torchis. À mi-chemin entre la gentilhommière et la ferme, ces manoirs formaient jusqu’au XVIIIe siècle, le chef-lieu d’une seigneurie, à la fois demeure du maître et siège d’une exploitation agricole. La couleur du bois, sombre ou miel, les quadrillages qu’il dessine (croix de Saint-André, épis en V…), les sculptures qui ornent angles et encorbellements (statuts, colonnettes, pinacles…), et l’allure parfois féodale des ouvrages (tourelles d’escalier, douves en eau…), en font d’authentiques chefs-d’œuvre.