La longère des Côtes d’Armor

Si elles vivent au rythme des marées, de la pêche et du tourisme balnéaire, les Côtes-d’Armor ne plongent pas moins leurs racines dans un terroir où paysages, traditions et habitat reflètent une ruralité séculaire. Les longères, maisons de tisserands, manoirs, fermes à cour ouverte… témoignent d’une diversité elle aussi ancestrale.

Styles

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Outre les longères, versions rallongées des granges-logis, ce département offre de nombreux manoirs en granit de formes rectangulaires.

LE NUANCIER DE LA LONGÈRE
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Côté Architecture

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L’ardoise, noble et intemporelle
Légère, imperméable, résistante à l’abrasion et à l’écrasement, l’ardoise fut réservée aux édifices nobles jusqu’au XVIIIe siècle. Épaisse ou fine, rustique ou actuelle, nuancée gris-bleu, bleu-noir mêlé de reflets oxydés, elle est depuis le matériau de prédilection des toits à forte pente auxquels elle donne fière allure ! Née de l’accumulation de boues argileuses comprimées lors de la formation de montagne, elle est issue du schiste qui a la particularité de se cliver en feuillets de toute taille et toute épaisseur (c’est la « fissibilité »). Suivant la qualité du schiste, et son épaisseur, elle peut offrir une belle longévité. Sur un toit de plus de 50 ans, ce sont souvent les clous (ou les crochets), le faîtage ou les lattes qui donnent des signes de faiblesse. Extraite à ciel ouvert ou en carrière souterraine, l’ardoise déclinait bien des noms évocateurs: la « coquette », « l’héridelle », la « carrée angevine »… On la rencontre dans maintes régions: Bretagne (Cornouaille, Monts d’Arrée), Pays-de-Loire (Anjou, Saumurois), Centre (Orléanais, Touraine), Normandie (Bessin, Cotentin), Pyrénées (Béarn, Bigorre). Elles offrent des nuances variées: gris-bleu en Anjou, bleu-noir, gris-vert, gris-jaune en Bretagne, gris-vert et violet-noir dans les Ardennes, bleu-noir dans les Pyrénées, gris-blanc en Savoie… Suivant la provenance de l’ardoise et le savoir-faire du couvreur, une toiture peut resplendir de formes variées (carrée, ronde, ogivale…) qui se superposent « à pureau décroissant » et se courbent à la rencontre d’une lucarne.

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D’une grande simplicité, l’habitat type est une bâtisse rectangulaire de plain-pied.

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De la grange-logis à la longère

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D’une grande simplicité, l’habitat type est une bâtisse rectangulaire de plain-pied (« bloc à terre »). Mixte, elle réunit logis et étable sous le même toit. La façade principale est orientée au sud pour profiter du soleil et éviter les vents du nord et les pluies d’ouest. Le fermier et sa famille vivaient dans une pièce unique (« pièce à feu »), regroupant la cheminée (source de chaleur, lumière et cuisson), la salle commune, une table, des bancs, un coffre et des lits. Séparée par un mur de refend, l’étable prenait place à l’une des extrémités. Au-dessus, le comble abrite le grenier à grains accessible par une lucarne « gerbière » desservie par une simple échelle ou un escalier extérieur. À la fin du XVIIIe siècle, l’essor agricole (défrichement des forêts, mise en culture des landes vouées à l’élevage), favorise la dissociation de l’habitation et de l’exploitation. Des dépendances ou « pentys » (granges, étables, remises…) sont bâties dans le prolongement du logis qui prend l’aspect d’une « longère ». Puis, dans un souci de rationalité et d’hygiène, les autres dépendances sont placées à la perpendiculaire formant une ferme dont la cour accueille l’aire à battre.

Nobles maisons rurales

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Plusieurs centaines de manoirs sont recensées ! Isolé dans la campagne, le manoir est identifiable à sa volumétrie : corps de logis rectangulaire, tourelle d’escalier desservant l’étage, toit à quatre pans… Le matériau dominant est le granit (gris clair parfois nuancé d’ocre), mis en œuvre sous forme de pierres de taille et de moellons assemblés à joints fins. Les intersections des murs (façades et pignons) sont renforcées par des chaînes d’angle tandis que les portes sont couronnées d’arcs en plein cintre et les baies par des linteaux moulurés. Appuis de fenêtre, lucarnes, ou souches de cheminée sont parfois sculptés de personnages en costumes (symbole du marchand-tisserand), ou encore de rayons (symbole du soleil). Une frise à modillons sculptée peut faire office de corniche entre la façade et la toiture. Caractéristique des XVe , XVIe et XVIIe siècles, ce type d’architecture est la marque d’une aristocratie rurale (officiers seigneuriaux), puis d’hommes de loi, d’armateurs, de négociants en lin. Aux XVIIIe -XIXe siècles, ces manoirs évoluent en domaines agricoles (loués en fermage), avec la construction de dépendances (grange, étable…), qui s’étirent en enfilade et se rejoignent en équerre pour former une cour, carrée ou rectangulaire.

Côté Rénovation

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Fidèle à l’esprit des lieux
Plancher, charpente, menuiseries… les cinq points à connaître pour restaurer une longère.

1. Les structures en bois

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Un parquet réduit au silence
Lorsque la charpente et le plancher d’étage sont endommagés voire ruinés par les intempéries et l’absence d’entretien (ardoises délitées ou arrachées par les tempêtes, pourrissement du voligeage), ils doivent être consolidés voire totalement refaits. Une intervention lourde mais qui vous laisse libre de choisir le type de plancher (mixte, désolidarisé, en bac acier ou métal déployé) et le type d’isolation (par l’intérieur ou l’extérieur), suivant les aménagements que vous souhaitez y créer (chambres, espace de détente et de jeux…). Voilà l’occasion, peut-être, d’implanter le nouveau plancher un peu plus bas que celui d’origine pour offrir un volume sous comble plus spacieux. Pour une longère, un plancher désolidarisé en solives de chêne (scellées dans la maçonnerie des façades), est une solution bien adaptée. Recouvertes de planches de coffrage rabotées (27 mm d’épaisseur), les solives supportent un « caisson isolant » contre les bruits d’impact. D’une épaisseur de 20 cm, il se compose d’une sous-couche isolante et d’une chape (chaux et billes d’argile expansé) désolidarisée en périphérie par des bandes résilientes. Après séchage, une trame de lambourdes est mise en place sur laquelle est cloué un parquet en chêne massif.

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Recréer la charpente
Si la charpente est hors d’usage et ne peut être consolidée, on optera de préférence pour une structure à fermes traditionnelles à entrait retroussé (qui libère l’espace), jambes de forces et blochets assemblés par tenons-mortaises et chevilles tirantes. Pour les rampants, l’isolation peut se faire de l’intérieur par insertion d’une double couche croisée de laine (minérale ou végétale épaisse de 18 cm environ), entre les chevrons après insertion d’un film pare-vapeur qui la protège de l’humidité intérieure. L’isolant disparaît ensuite sous un habillage (lambris, panneaux bois, plaques de plâtre, de cellulose) fixé à des tasseaux ou des rails métalliques.

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Le terrain doit souvent être drainé pour empêcher l’eau de stagner au bas des fondations.

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2. Combattre l'humidité

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Humidité refoulée, chaleur maîtrisée
Traversé par une source ou ponctuellement en contact avec la nappe phréatique, le terrain doit souvent être drainé (image ci-contre) pour empêcher l’eau de stagner au bas des fondations. Une tranchée est creusée (à 1 m de distance au moins), pour y poser des drains, puis remblayée de matériaux à granulométrie décroissante. Les sols (en terre battue ou en carreaux de terre cuite) des longères et manoirs, sont aussi décaissés (70 à 80 cm de profondeur), afin de recevoir un réseau de drains terminés par des coudes qui traversent la base des murs pour évacuer l’humidité résiduelle vers l’extérieur. Le fond de la fouille est recouvert de concassé (20 cm d’épaisseur), comblé de graviers (30 cm d’épaisseur), puis stabilisé avec une dalle de mortier de chaux additionné de billes d’argile expansé. Après séchage, cette dalle isolante peut, idéalement, recevoir un plancher chauffant recouvert d’une chape d’enrobage (4 à 5 cm), elle-même habillée de terre cuite, carreaux de ciment, parquet, grandes dalles de grès à bords rectifiés… Invisible, il diffuse une douce chaleur tout en évitant la présence de radiateurs.

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3. Isolation du toit

Isoler, couvrir, décorer en une seule fois
Dans notre cas de figure de longère à restaurer, la restitution de la charpente est l’occasion rêvée d’opter pour une isolation par l’extérieur à l’aide de caissons chevronnés, fixés directement sur les pannes. Rapide à poser, ce concept « 3 en 1 » permet de conserver la charpente apparente, d’optimiser le volume habitable et de garantir une isolation continue (sans ponts thermiques). De grande longueur, ces panneaux, qui assurent à la fois le décor du comble, l’isolation et le support de la couverture, se composent d’un isolant (polystyrène expansé, laine minérale) pris en sandwich entre le parement décoratif intérieur (lambris, voliges, lames de peuplier) et le parement extérieur en panneaux hydrofugés contre-lattés. Posés dans le sens de la pente, ils créent une surépaisseur inévitable, heureusement dissimulée par une coupe biaise d’extrémité. Un chantier coûteux mais pertinent.

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4. Plus de lumière

Des lucarnes plutôt que des fenêtres de toit

La réfection de la toiture est enfin l’opportunité d’optimiser l’éclairage naturel du comble en implantant des lucarnes (à fronton en granit, charpentée en chêne chevillé…), qui apporteront clarté tout en favorisant une perspective sur la campagne environnante. L’une d’elle (ajourée d’une porte vitrée), peut être desservie par un escalier extérieur en maçonnerie ménagé contre un pignon pour offrir un accès indépendant (cas d’une chambre d’hôtes par exemple).

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L’omniprésence du minéral (granit, schiste…) doit inciter à se démarquer du bâti existant – au risque de la surcharger.

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5. S'agrandir ?

Une extension bien intégrée
Dépendance ruinée ou « dent creuse » : les bâtiments des anciennes fermes ne sont pas toujours accolés. Une situation qui peut être mise à profit pour créer une extension aux fonctions variées : entrée commune vers deux chambres, continuité d’un couloir distribuant diverses pièces, liaison architecturale entre les deux corps de bâtiment entre lesquels elle prendra place. Toutefois l’omniprésence du minéral (granit, schiste…) doit inciter à se démarquer du bâti existant – au risque de la surcharger. Ainsi, une extension en ossature bois, formée de murs panneaux (à poteaux poutres avec panneaux isolant, pare-vapeur, contreventés par un voile d’OSB), peut s’avérer valorisante. En extérieur, on privilégiera un bardage en planches verticales avec couvre-joints (mélèze, épicéa…) qui prendra avec le temps des tons gris argentés qui rappellent le granit.

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Côté Culture

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Histoire et géographie

De la cité médiévale de Dinan à la Côte de Granit rose sculptée par l’érosion, en passant par les landes vallonnées semées de chapelles de la Bretagne intérieure, ce pays décline avec harmonie la force de l’Armor (« pays de la mer ») et la douceur de l’Argoat (« pays des bois »).

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Un patrimoine exceptionnel

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Bordé par près de 350 km de côtes, le plus « nordiste » des départements bretons n’a pas usurpé son appellation pourtant récente. À l’est se découvre la Côte d’Émeraude et l’ancienne cité ducale de Dinan. Logée au fond de l’estuaire de la Rance, cette ville d’art et d’histoire fut un centre majeur de négoce entre Saint-Malo, les Flandres et l’Angleterre pour le commerce des draps et toiles. Tisserands, tanneurs, aubergistes ou négociants en vin y tenaient boutique sous des maisons à porches formant de longs passages couverts. À présent, l’ancienne cité féodale livre aux visiteurs un fabuleux patrimoine : 2,6 km de remparts ponctués de tours, de portes fortifiées et couronnés d’un chemin de ronde offrant de superbes perspectives sur les ruelles pavées de la cité bordée de plus de 100 demeures à pans de bois (XVe -XVIIIe siècle), d’hôtels particuliers, de couvents, d’églises…