Les maisons en tuffeau d’Anjou

Anjou ou Maine-et-Loire ? Peu de départements revendiquent autant leur nom historique… délaissant leur appellation administrative ! La géologie lui a donné son relief et ses couleurs : tuffeau blanc et ocre à l’est (« Anjou blanc »), ardoise du bassin d’Angers-Trélazé et granit à l’ouest (« Anjou noir »).

Styles

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Le style dépend souvent du tuffeau utilisé : blanc pour châteaux et manoirs ; jaune pour les bâtiments de moindre envergure.

le nuancier d'anjou
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Côté Architecture

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Deux types, deux styles

Deux variétés se distinguent : le tuffeau blanc (appelé aussi pierre de Bourré), et le tuffeau jaune (ou pierre d’Ecorche-veau). Pierre d’œuvre noble, le tuffeau blanc fut utilisé pour bâtir les châteaux et nobles demeures. Formé de grains fins liaisonnés par un ciment naturel, il compte jusqu’à 40 % de silice. Cette forte proportion explique que, bien que facile à travailler, le tuffeau blanc émousse les outils des tailleurs de pierre ! Plus poreux, le tuffeau jaune doit sa teinte à la présence de sable et se retrouve dans les maçonneries de l’habitat rural.

Sous haute surveillance

Sensible aux caprices du ciel et aux pollutions, le tuffeau est sujet à trois types de maladies.
- La première se manifeste par le décollement de plaques (5 mm à 3 cm d’épaisseur) et une mise à nu du cœur de la roche face aux agressions extérieures (pluie, gel, pollution…). Elle est liée à une modification de la circulation de l’eau dans la pierre.
- La « désagrégation pulvérulente » (ou sableuse), apparaît lorsque la pluie et les remontées capillaires (chargées d’acides, nitrates…), désolidarisent la roche en s’attaquant à son calcin.
- L’utilisation d’un liant non adapté à la porosité du tuffeau (ciment, crépi), est responsable de la troisième altération dite « alvéolaire ». Cette dernière crée une barrière étanche qui empêche la pierre d’évacuer l’humidité résiduelle.

Côté Rénovation

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Refaire les joints des pierres de taille

Jointoyer en profondeur
Le « refichage » consiste à regarnir en profondeur les joints des pierres. Après piquage du mortier de surface puis lavage du joint, on introduit un mortier de chaux à l’aide… d’une « fiche » (longue truelle profilée en dents de scie), ou d’une langue de chat. Ce jointoiement est essentiel pour stabiliser les pierres de taille tout en évitant les infiltrations d’eau.

Couler les joints
Lorsque les joints sont très fins (moins de 5 mm), ils ne peuvent être comblés avec un mortier. Trop consistant, ce dernier risque d’empâter leurs surfaces tout en laissant l’intérieur des joints creux. Mieux vaut utiliser un coulis préparé avec de la chaux pure délayé à l’eau. La technique consiste à le verser dans les joints après avoir calfeutré leurs périphéries avec des chutes de papier journal humide, enfoncées en force pour éviter toute fuite du coulis. Les joints peuvent être aussi bouchés avec du plâtre. Mais ces scellements sont plus difficiles à défaire (par endroits) pour vérifier que le coulis a bien pénétré toute la surface des joints.

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Le jointoiement en profondeur est essentiel pour stabiliser les pierres de taille tout en évitant les infiltrations d’eau.

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Restaurer les façades

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Remplacer la pierre de taille
Délitées sous l’effet d’un tassement du sol ou des intempéries, les pierres (encadrements, jambages, appuis de baie) doivent parfois être remplacées. La façade y gagne en solidité comme en esthétique ! Les pierres altérées sont refouillées à l’aide d’un perforateur burineur. Au préalable, des étais sont mis en place avec précaution pour prévenir tout risque d’affaissement des maçonneries. Les pierres de remplacement doivent être choisies de même nature et dureté (tendre, demi-ferme, ferme) que les pierres d’origine dont on aura relevé les cotes au préalable.

Une pose à « bain de mortier »
La surface des lits de pose et d’attente des pierres est creusée d’un X (1 à 2 cm de profondeur), pour favoriser l’accroche du liant. Le mortier de chaux est déposé sur le lit d’attente de la pierre restée en place (pose à « bain de mortier »). L’épaisseur des joints est maintenue constante grâce à des cales (5 mm en général), placées en périphérie. L’horizontalité et l’aplomb de chaque pierre sont contrôlés avec un niveau. En parallèle, la maçonnerie (moellons, parements, briques…) est reprise dans le prolongement des pierres. Si besoin, on frappe ces matériaux à la massette pour faire refluer le liant et chasser l’air.

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Des plaquettes pour reformer les parements
Lorsqu’elles ne sont altérées qu’en surface, les pierres peuvent être conservées et consolidées à l’aide de plaquettes (ou « bouchons »). Elles sont débitées (disqueuse ou scie type carbure de tungstène) dans une roche de même nature et résistance que la pierre d’origine. La méthode consiste à refouiller les parties détériorées (qui sonnent creux), pour atteindre la roche saine. À l’aide d’un poinçon et d’une massette, on dresse une surface à peu près d’aplomb contre laquelle on vient sceller la plaquette. On procède par double encollage avec un liant formé de chaux hydraulique naturelle et plâtre gros (pour accélérer la prise). Il est appliqué avec le dos de la truelle sur la surface de la plaquette et sur le parement de la pierre piquetée.

Réparer les surfaces
Lorsqu’elles ne sont altérées qu’en surface, les pierres peuvent être consolidées avec un mortier imitant l’aspect de la pierre de taille. Pratique d’emploi, il protège la roche encore saine et présente une finition qui se laisse scier, raboter et moulurer. Malgré ces altérations, il est possible de reconstituer les pierres de taille et de rendre leur aspect d’origine, à condition que les parties friables n’excèdent pas 1/3 de la profondeur de la pierre. Au-delà, le manque de matière saine rend l’intervention difficile et peu durable.

Côté Culture

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Histoire et géographie

Logé entre vallée de la Loire et massif armoricain, cet ancien territoire des « Andes » (peuplade celtique ainsi baptisée par les Romains) doit son unité à l’histoire et la géographie. Du Xe au XIIIe siècle, les comtes Foulques élargissent les possessions au point d’en faire un domaine qui s’étend de l’Angleterre aux Pyrénées ! Jusqu’au XIXe siècle, gabares, toues et futreaux transportent sur la Loire vins, blé, chanvre, ardoises, tuffeau…

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Le tuffeau, fragile trésor minéral

Craie aux nuances laiteuses ou blondes, le tuffeau est une roche sédimentaire formée il y a 90 millions d’années. Façonné en moellons, pierres de taille, encadrements de baie, chaînes d’angle, corniches… il habille les plus humbles bâtisses comme les plus cossues ! Présent d’Amboise à Angers, il fut massivement employé (XVIIe-XIXe siècle) pour édifier aussi bien châteaux, gentilhommières, maisons rurales, fermes troglodytiques, demeures bourgeoises ou hôtels particuliers.