Maisons Cévenoles

Royaume des vallées sauvages, cette retombée du Massif central déploie une succession de versants abrupts où s’étagent en rangs serrés châtaigneraies, chênaies, sapinières, landes et prés, villages à la solide architecture minérale ponctués de séchoirs à châtaignes, fours à pain, moulins…

Styles

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Petites ou grandes les maisons des Cévennes sont construites sous le signe de la pierre. Du sol à la couverture, la pierre est quasi le seul matériau de construction. Seule la tuile dite romaine apporte une touche chaude à cet univers minéral.

LE NUANCIER CÉVENOL

Côté Architecture

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En granit et bien groupé

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Implanté sur une rupture de pente ou près d’un vallon proche d’un point d’eau offrant une bonne exposition au soleil et non loin des terres cultivées et des pâturages, l’habitat du mont Lozère frappe par ses façades appareillées de solides blocs de granit (rose ou gris-bleu), tantôt taillés avec soin tantôt à peine équarris. Basse, trapue et allongée, la ferme aux rares ouvertures répond bien à la rudesse du climat !

« Bioclimatique » avant l’heure, la façade principale est orientée au sud tandis que le mur arrière, souvent aveugle, profite du relief pour s’abriter des vents. Les bâtiments d’exploitation (grange-étable ajourée d’un arc surbaissé à trois ou cinq claveaux), se massent à la perpendiculaire ou prolongent l’habitation afin de communiquer entre eux pour que les habitants n’aient pas à braver les intempéries.

À l’origine coiffées de chaume de seigle, les couvertures ont été remplacées par des lauzes de schiste alors que déclinait la culture de cette céréale au profit de l’élevage. Chevillées ou posées sur un lit de terre argileuse, elles débordent des façades grâce à des corbeaux en pierre ou en bois mouluré tandis qu’elles se croisent au niveau du faîtage.

Passé la porte, on entre dans la salle commune jadis vêtue de grandes dalles de granit où se découvrent la cheminée et la porte de l’étable, tandis qu’un escalier mène aux chambres situées à l’étage…

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Toute de pierre appareillée « des pieds à la tête », massive, adossée au relief et au rocher afin de se protéger du vent, la ferme caussenarde fait corps avec le paysage !

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En pierre, entièrement en pierre !

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À l’ouest en Lozère, sur le causse Méjean, vaste plateau calcaire d’aspect désertique où l’eau s’infiltre dans la roche sans ruisseler, l’absence de bois d’œuvre et la rareté de l’eau ont conduit à une architecture fondée sur l’utilisation du seul matériau disponible en abondance : le calcaire. Toute de pierre appareillée « des pieds à la tête », massive, adossée au relief afin de se protéger du vent, la ferme caussenarde fait corps avec le paysage ! Parements pour construire les murs (à sec ou avec un mortier de chaux), lauzes pour couvrir les toits : cette roche qui se délite facilement en bancs d’épaisseurs variables est bonne à tout faire ! Cette symbiose avec l’environnement tient aussi au savoir-faire remarquable des bâtisseurs. La charpente en bois des maisons laisse la place à des voûtes défiant les lois de l’équilibre. Le rez-de-chaussée abritant la bergerie est couronné d’une voûte surbaissée, qui supporte le dallage de la salle commune située à l’étage. Accessible par un escalier extérieur, l’habitation est coiffée d’une voûte plus élancée en arc brisé, sur laquelle prend appui la couverture. Très lourdes, les lauzes sont posées sur un lit de terre caillouteuse qui dessine la pente du toit et répartit les charges. L’ample surface de toiture recueillait l’eau de pluie dans des citernes grâce à des chéneaux de bois supportés par des corbeaux de… pierre.

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Accrochés aux versants façonnés par l’homme

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Dans les vallées cévenoles, les maisons de schiste (souvent élevées à même la roche) sont hautes et étroites. Elles sont établies à mi-hauteur du versant, plus facile d’accès que les fonds de vallée au profil en V parfois sujets aux inondations. Sans doute aussi pour profiter du soleil du Midi et économiser les terres arables ! Bâtis avec les matériaux des vallées qu’ils semblent prolonger, mas et hameaux s’inscrivent au centre d’un parc en gradins formés de terrasses ménageant des sols plats où alternent cultures de seigle, potagers, châtaigneraies, vergers de mûriers, vignes, landes parcourues par les chèvres et moutons. Pour autant, ils n’ont pas été construits d’un seul jet, mais par étapes au fil des évolutions et aléas économiques. Ainsi, un bâtiment vient-il s’accoler au premier puis un autre, un troisième, l’ensemble prenant l’aspect d’un « mas-ruche ».

Au XVIIIe siècle, avec l’essor de l’élevage du ver à soie, des étages percés de petites ouvertures sont venus rehausser les maisons tandis qu’on créait des cheminées nécessaires au chauffage de ces magnaneries où grandissaient les magnans (ver à soie). Appuyée sur le rocher, l’habitation s’étage en suivant les terrasses pour bénéficier d’accès de plain-pied. Ainsi, cave, bergerie, chèvrerie, salle commune avec cheminée et chambres se superposent-elles ingénieusement.

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Associé aux murs de pierres épais qui conservent une fraîcheur résiduelle, l’enduit isolant « chaux-chanvre » est le plus adapté pour améliorer le confort d’une maison ancienne.

Côté Rénovation

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1. L'isolation

Isolation ou correction thermique ?
Granit, schiste, calcaire… Pour harmonieux qu’ils soient, ces matériaux sont hélas peu isolants. Ainsi une isolation intérieure est-elle souvent nécessaire : nous n’avons pas la même endurance face au froid que nos ancêtres ! Avec pour avantages, l’absence de modification de l’aspect extérieur de la maison et une mise en œuvre assez rapide pour un coût peu élevé. Mais faut-il isoler tous les murs au risque de perdre le charme de la pierre d’antan, de réduire quelque peu le volume habitable, voire de modifier l’emplacement de certaines installations (prises électriques, canalisations…), si elles existent ? On isolera en priorité la façade arrière qui est par principe la plus froide (orientation nord), et les murs latéraux non mitoyens.

À l’inverse, la façade sud gagnera à voir son appareillage préservé et valorisé par un jointoiement à fleur de pierre ou au nu de ses arêtes. Associé aux murs de pierres épais qui conservent une fraîcheur résiduelle, l’enduit isolant « chaux-chanvre » est le plus adapté pour améliorer le confort d’une maison ancienne. Ses atouts ? L’inertie, le déphasage et la microporosité qui suppriment la sensation de paroi froide très inconfortable, surtout l’hiver. Aussi, mieux vaut parler de correction thermique que d’isolation performante selon les critères de la Réglementation thermique (RT) en vigueur. En faible épaisseur, la chènevotte de chanvre (intérieur de la tige formée de cellulose), n’offre qu’une capacité isolante limitée – a fortiori sous forme d’enduit de 5 à 7 cm d’épaisseur, mais au-delà, il n’adhérerait plus au support et exigerait d’être banché dans un coffrage d’une vingtaine de centimètres d’épaisseur – avec pour conséquences de réduire la surface habitable et annuler ses effets bénéfiques. Aussi un enduit en trois couches, offre-t-il le bon compromis pour supprimer l’effet paroi froide sans perturber l’inertie et l’équilibre hygrométrique des murs.

Les doublages actuels
L’isolation sur ossature est le procédé le plus employé en construction comme en rénovation pour sa pose simple et répétitive. Il consiste à coller ou fixer l’isolant semi-rigide (laine minérale ou végétale d’une dizaine de centimètres d’épaisseur) contre le support avant de l’habiller d’une contre-cloison maçonnée en briques plâtrières, carreaux de plâtre, plaques de plâtre ou de terre cuite vissées sur une ossature métallique (rails ou fourrures) ou en bois. Ce doublage convient aux murs irréguliers car il peut rattraper ses inégalités de surface. De plus, la dissociation de l’isolant et du parement facilite l’insertion des gaines, câbles, prises électriques… Tout-en-un, le complexe de doublage est, lui, formé d’un panneau isolant (polystyrène expansé ou extrudé, laine minérale…) revêtu d’une plaque de plâtre (qui évite la contre-cloison). Directement fixé sur le mur à l’aide d’un mortier adhésif sans ménager de lame d’air, il nécessite une découpe de l’isolant pour le passage des gaines, prises, tuyaux et requiert des murs plans car il ne permet pas de corriger l’aplomb de murs irréguliers. À réserver donc aux murs neufs (refend, extension, mur composite).

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2. Les murs

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Des styles à respecter
Si des maçonneries doivent être consolidées, reprises en élévation, voire reconstruites, il est impératif de mettre en œuvre les mêmes matériaux locaux en respectant les types d’appareillage (pierre de taille, parements, moellons posés en rangs horizontaux à joints minces…). À l’inverse, évitez de laisser libre court à votre imagination en créant des appareillages rustico-modernes qui n’ont jamais existé (parement en mosaïque brouillée, joints en creux ou en relief, joints épais et alignés…). Pour des raisons pratiques et/ou budgétaires, les murs neufs peuvent être conçus selon la méthode du doublage avec une maçonnerie moderne côté intérieur (bloc de béton, béton cellulaire, briques monomur…), habillée d’un parement extérieur de 20 à 30 cm d’épaisseur. Aux zones de contact entre granit et calcaire, les maisons en schiste sont confortées aux angles par des blocs taillés de grès ou en calcaire de même que les encadrements des fenêtres et portes. Quant aux linteaux de porte, ils sont renforcés par un arc de décharge formé de pierres taillées ou de dalles posées avec une inclinaison croissante.

En pierres sèches plus ou moins jointives et imbriquées ou liées au mortier de chaux, les murs présentent deux parements (extérieur, intérieur), réunis de temps à autre par une pierre traversante (ou « boutisse ») qui assure la liaison de l’ensemble. Autant de spécificités à respecter ! S’il faut agrandir, on réfléchira entre un rehaussement par le haut ou une extension plus ou moins accolée à l’habitation.

Côté Culture

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Histoire et géographie

Chevauchant trois départements, dénuées de grandes villes, marquées par un relief cloisonné et soumises à des climats contrastés (pluvieux, hivernal et neigeux au nord-est ; chaud et sec au sud), les Cévennes sont dominées par le massif du mont Aigoual (1567 m d’altitude), vaste château d’eau traversé de gorges (Dourbie, Jonte, Trévezel), et le mont Lozère (1699 m), massif de granit tapissé de landes à moutons. En granit, schiste ou calcaire, l’architecture magnifiquement minérale reflète l’âpreté du milieu aussi bien que sa diversité géologique.