Maisons du Vaucluse

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Villages perchés, mas isolés en plaine, bastides bordées de cyprès, cabanes de pierres sèches… Entre collines, plateaux et massifs montagneux, le Vaucluse offre un habitat minéral tour à tour sobre, élégant, harmonieux et coloré.

Styles

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L’architecture du mas traduit le progressif enrichissement de certaines familles : la ferme d’origine est augmentée de bâtiments au fur et à mesure des besoins et des possibilités. En soutien à l’activité pastorale, nombreuses sont les constructions isolées, petites mais toujours bienvenues pour s’abriter du soleil ou d’un brusque orage.

LE Nuancier du vaucluse
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Côté Architecture

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Fermes, mas et villégiatures

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Appelée « mas », la ferme à cour fermée ou ouverte est née d’extensions successives (étable, bergerie, écurie…), à partir d’une petite grange (ou « grangeon »), lui donnant un plan en L, en U… Afin de lutter contre les rafales du mistral, le mas tourne le dos au nord tandis que sa façade sud percée d’ouvertures est ombragée de muriers, de platanes… Parfois, les toitures sont asymétriques (la pente nord s’inclinant vers le sol) et les tuiles lestées de grosses pierres ! Plus confortables sont les bastides, nobles demeures bâties à quelques lieux des villes aisées (Avignon, Aix-en-Provence). Construites par l’aristocratie de robe ou d’épée aux XVIIe et XVIIIe siècles, elles revêtent une double fonction. Résidences d’été pour fuir l’insalubrité des villes, elles forment aussi un domaine agricole. Hautes, bien ordonnées et équilibrées, les façades de la maison du maître doivent être vues de loin. Passé le portail bordé d’arbres se découvre un jardin à la française avec bassin et terrasse…

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Afin de lutter contre les rafales du mistral, le mas tourne le dos au nord tandis que sa façade sud percée d’ouvertures est ombragée de muriers, de platanes.

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L’art de L’équilibre

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Cabanes, bergeries, citernes de récupération d’eau de pluie… Les ouvrages de pierres sèches sont légion. Cette technique de construction (longtemps dédaignée parce que jugée primitive) est liée à la géologie locale où les bancs rocheux se délitent facilement. Bien que limitée à un seul matériau posé sans liant, la pierre sèche décline maintes formes. Striant les versants des vallées en gradins, les terrasses de culture (les « restanques ») ont été aménagées pour implanter céréales, vignes, oliviers, amandiers. Appelée « cabanon pointu » ou « borie », la cabane rappelle l’éloignement des cultures extensives par rapport aux fermes et aux villages. Abri de berger, remise à outils, abri-citerne… Ses fonctions étaient variées ! Les bergeries sont destinées à loger le berger et ses bêtes (moutons, chèvres, agneaux) durant l’estive. Les plus belles présentent une nef à quatre ou cinq travées, coiffée de voûtes et de coupoles en encorbellement, et sont protégées par un mur couronné d’un dispositif « pare-loup » formé de pierres taillées en pointe.

Côté Rénovation

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S’il est une région où le mariage entre les techniques modernes de construction et les matériaux traditionnels est simple et facile, c’est bien le Vaucluse. Trouver des pierres pour doubler un mur de parpaings est un jeu d’enfant : il suffit de les ramasser sur son terrain. Pas de terrain ? N’hésitez pas à proposer au propriétaire d’une ruine de lui racheter, non pas sa maison, mais bien ses pierres et surtout les pierres de taille.

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1. Les murs

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Des murs sobres mais bien ajustés
Les maçonneries sont bâties en moellons issus de l’épierrement des champs, la roche calcaire de carrière étant le plus souvent réservée aux édifices et bastides. De teinte gris blanc, elles sont équarries sur deux ou trois faces et posées à joints décalés d’un rang à l’autre pour former deux parements comblés par un remplissage (blocage de tout-venant), lié avec un mortier de chaux ou de terre argileuse. Des pierres traversières (boutisses), solidarisent les deux parements. Les intersections des murs s’entrecroisent grâce à des chaînes d’angle en pierres taillées superposées. Lorsque ses renforts font défaut, qu’ils sont mal mis en œuvre ou que l’humidité stagne à l’intérieur des murs (dégradation de la toiture, génoise détériorée, infiltrations du sol…), des désordres apparaissent («ventre», «bouffement»).

Dédoublement… de maçonneries
Première étape cruciale, mettre en place des étais tubulaires sous les poutres proches des murs détériorés afin de stabiliser et sécuriser la zone d’intervention. Puis monter un échafaudage pour accéder à mi-hauteur des murs et à leurs sommets afin de déposer, sans forcer, les moellons déchaussés de même que le remplissage de tout-venant s’il s’avère instable et sans cohésion avec la maçonnerie. Si la maçonnerie ainsi mise à nu est saine et non sujette à des désordres plus profonds, une consolidation est possible, après un nettoyage à la brosse douce et à l’eau claire. Elle consiste à replacer les moellons et les parements sur un lit de mortier de chaux hydraulique naturelle en veillant à bien respecter l’appareillage d’origine et en contrôlant leur aplomb. D’un rang à l’autre, les joints doivent être décalés (ou « contrariés »). En parallèle, le remplissage entre les deux parements est comblé à l’aide de tout-venant posé à « bain soufflant ». Si nécessaire, la mise en place d’une boutisse ou parpaing traversant assurera leur cohésion. Au préalable, il faut bien sûr trouver la cause de ces différents désordres : surcharge excessive à un endroit du mur, infiltration d’eau, tassement du sol par manque de d’eau…

Le grand écart
Fondations réalisées à l’économie, manque d’entretien, surcharge importante… Dans les vieilles bâtisses, les murs ont souvent « travaillé » avec pour conséquence qu’ils tendent à s’écarter. Il faut faire appel à un professionnel pour en déterminer les causes et contrôler si les murs sont stabilisés ou pas (avec la pose de témoins). La pose d’un ou plusieurs tirants fermés à leurs extrémités par des fers d’ancrage pour reprendre les descentes de charges est une thérapie souvent adoptée. Deux types de fentes dans les murs sont à distinguer : les fissures superficielles (de 0,2 à 2 mm de large), et les lézardes (largeur supérieure à 2 mm). Si le mur est stabilisé, on peut procéder au calfeutrage des fissures et des lézardes par coulinage de lait de chaux. Trop consistant, un mortier classique de sable et chaux empâterait inévitablement leur périphérie avec pour effet de laisser creux l’intérieur des joints et du blocage. Aussi, prépare-t-on un coulis avec de la chaux pure délayée dans de l’eau. La technique consiste à le verser dans les joints creux les plus en hauteur après avoir calfeutré avec du plâtre ceux situés en dessous.

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2. Entre les niveaux

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Plafonds à la provençale
Dans ce pays où le bois est rare, le plancher traditionnel se compose de poutres rondes entre lesquelles sont posés des « quartons » (sections de solive triangulaire). Après avoir coffré la sous-face (depuis le rez-de-chaussée), les maçons coulaient une épaisse couche de plâtre. Après séchage, le décoffrage laissait l’empreinte des veines du bois sur le plâtre. Contraintes de mise en œuvre et disparition du savoir-faire : ce mode constructif économique mais non moins décoratif tendait à disparaître. Partant de ce constat, une entreprise a conçu un système de plafond traditionnel prêt à poser. Sa méthode ? Former des panneaux avec des sections de solives (douglas, châtaignier), les recouvrir de dalles d’élastomère reproduisant le relief du bois avant d’y couler du plâtre. D’une vingtaine de kg/m2, les plaques se posent à deux personnes entre des poutres rondes pour habiller un plafond mais aussi les rampants des combles. Ces plaques peuvent enfin être utilisées comme coffrage si l’on souhaite créer un plancher mixte bois et dalles béton (après étaiement).

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La chaux est à préférer au ciment qui emprisonne l’humidité des murs et occasionne fissures, farinage des pierres et problème de condensation.

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3. Des ouvertures...

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Enduit et menuiseries en harmonie
Rectangulaires, les fenêtres des maisons sont de petites dimensions pour ne pas fragiliser la maçonnerie, ni laisser le mistral s’engouffrer. Elles sont encadrées de jambages et couvertes d’un linteau en pierre ou en bois. L’équilibre entre les ouvertures et la façade est liée à la distribution des pièces avec un rapport de 20 % à 80 % entre les parties pleines et les parties vides. Tendres et gélifs, ces parements étaient le plus souvent protégés par un enduit à la chaux grasse teinté par la couleur de la terre ou du sable local (beige, gris-clair, ocre rouge…). Celui des rivières donne des teintes douces, beiges ou gris léger, tandis que celui du sol varie du rose au rouge. La chaux est à préférer au ciment qui emprisonne l’humidité des murs et occasionne fissures, farinage des pierres et problème de condensation. Microporeuse, elle est le seul liant qui laisse respirer les murs et donne vie aux façades.

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4. Toiture et couverture

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Fréquence canal
N’étant traditionnellement pas accrochée à la toiture, la tuile canal est réservée aux toits à faible pente (15 à 35°). C’est la tuile des climats tempérés qui couvre un large territoire méridional : Provence (Comté de Nice, pays de Grasse…), Corse, Languedoc (Cévennes, Corbières, Roussillon…), Rhône-Alpes (Dauphiné, Lyonnais…). Dérivée de la tuile romaine, c’est un demi-cylindre qui se pose tantôt dessous, tantôt dessus, dessinant des caniveaux parallèles par lesquels l’eau s’écoule. On distingue les éléments concaves qui forment le canal d’écoulement (tuiles de courant ou de dessous), et les éléments convexes posés à cheval sur ces derniers (tuiles de couvert ou de dessus). Longues de 50 cm, elles mesurent de 21 à 23 cm de large et se posent avec un recouvrement de 14 à 17 cm (soit pour un mètre carré de toiture de 21 à 26 tuiles pour un poids de 46 à 60 kg/m²).

Supports de tuiles : l’onde de choc !
Particularisme provençal, les tuiles étaient posées sur un « plancher » formé de grands carreaux de terre cuite (appelés hourdis en Provence ou parefeuilles en Languedoc). Durable mais coûteux, ce platelage protégeait surtout les maisons de maître et bastides ! Les bâtiments ruraux se contentaient, eux, de chevrons triangulaires («quartons»). Seules les tuiles du faîtage et de l’égout étaient scellées au mortier et parfois lestées de grosses pierres. Aujourd’hui, on pose les tuiles sur un support continu. Solution idéale en rénovation : la pose sur plaques « ondulées » (fibre cellulosique ou fibre-ciment imprégnée de bitume, résine et pigment), qui facilitent le chantier. Etanches et souples pour s’adapter aux vieilles charpentes, elles se fixent sur les pannes ou un voligeage cloué sur les chevrons. Elles offrent ainsi un écran de sous-toiture et un support qui épouse l’onde des tuiles tout en assurant l’étanchéité. Au sommet des murs, une génoise (faite d’une superposition de tuiles maçonnées), forme une corniche qui supporte l’avancée du toit et éloigne l’eau de pluie des façades.

Des tuiles pour toutes les situations
Sur les supports continus plats (voligeage, panneaux isolants…) les toits à forte pente ou exposés à des vents violents, les tuiles de courant, dotées d’un talon, sont clouées tandis que des crochets inox maintiennent les tuiles de couvert pour éviter tout risque de glissement ou soulèvement. Enfin, sur des bâtiments secondaires, la pose sur simples liteaux est réalisée avec des tuiles de courant dotées d’un ou deux tenons, que l’on accroche sur chaque latte. Le recouvrement des tuiles entre elles est ainsi constant et évite tout glissement. Plus performants, les panneaux isolants à ondes assurent une isolation continue par l’extérieur. Ils sont formés d’une âme en mousse polyuréthane, prise entre une plaque de plâtre cartonnée (support décoratif côté comble) et une plaque ondulée en fibre-ciment (parement extérieur). Le profil de ces supports permet de ne poser que les tuiles couvrantes. Mais cette économie a un revers : la toiture n’est pas très esthétique car on remarque l’absence de tuiles courantes. Préférez plutôt les modèles recevant les deux types de tuile.

Côté Culture

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Histoire et géographie

Le Vaucluse fait partie de ces départements qui font rêver. Habité depuis longtemps (sites néolithiques près de Bonnieux), romanisé (Vaison-la-Romaine) lieu de prédilection de certains papes au XIVe siècle, la longue histoire du Vaucluse se retrouve dans sa richesse patrimoniale et continue, avec l’aide du soleil, d’attirer en nombre, vacanciers et simples touristes.

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Le paradis perché du Lubéron

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Collines tapissées de lavande, amandiers en fleurs, « Colorado provençal » aux tonalités puissantes variant du jaune clair au rouge vif, pinèdes odorantes coiffées d’un ciel azur… le Vaucluse abrite une Provence telle qu’on l’aime ! Célébré par les écrivains et les poètes, le Luberon en est le cœur que domine le mont Ventoux (1 912 m). D’ouest en est, s’y succèdent plaines, où fructifient melons et cerises, vallons encaissés, coteaux de vignes, plateaux, garrigue, forêts (cèdres, chênes). Havre de nature et de couleurs, le Luberon (valorisé depuis 1977 par un Parc naturel régional) livre maints sites enchanteurs tel le rutilant village de Roussillon assis sur un piton cerné de falaises d’ocre dont les façades passent du rouge sang au jaune d’or. Non loin, étagé sur un promontoire planté d’oliviers, Gordes doit sa renaissance à des artistes. Son village des Bories offre un ensemble unique de constructions en pierres sèches.

D’abord haut perchés…

Sommet de colline, rebord de plateau, éperon rocheux… les villages s’implantent volontiers sur les reliefs pour se protéger des rapines comme pour réserver les terres aux cultures de blé et seigle. Jadis enclos dans un rempart dominé par un château, ils forment un tissu minéral serré de maisons qui se partagent un espace réduit. Accolées les unes aux autres, les maisons bordent d’étroites ruelles empierrées (formant parfois des passages couverts), qui conduisent à des espaces d’échanges où se déroulaient marchés, foires et cérémonies. Élevée sur deux, trois ou quatre niveaux, la maison type compte un rez-de-chaussée souvent utilisé comme remise, atelier ou échoppe. Dans la cave, se trouve la cuve à vin tandis que l’étage abrite la pièce à vivre où l’on cuisinait, mangeait et se lavait. Les chambres occupent l’étage tandis que dans le comble séchaient les réserves (grains, bois, foin).

...puis dispersés dans la plaine

Aux XVIe et XVIIe siècles, l’habitat perché descend vers la plaine et tend à se disperser. À la maison en hauteur se substitue la maison « bloc-à-terre » isolée dans son domaine. Peu à peu, ce type d’habitat tend à se regrouper, formant des petits hameaux avec un four, un puits et une aire de battage des céréales. Souvent, ils portent un patronyme en guise de nom (les Grands-Cléments, par exemple), qui rappelle que les familles paysannes agrandissaient leurs maisons à mesure des besoins familiaux. Au XIXe siècle, certains villages perchés sont même abandonnés tandis qu’un village récent, près de la route, regroupe les commerces et services publics. On parle alors de « déperchement » ou de « dédoublement ».