Maisons Alsaciennes

Nourris d’influences alémaniques et françaises, l’Alsace offre une riche culture où sens du travail, art de vivre, convivialité et esprit d’entreprendre se conjuguent à l’unisson. Ici, le vin est roi et il procure richesse et considération. Et de Strasbourg à Colmar des joyaux d’architecture médiévale, Renaissance et siècle des Lumières façonnent le paysage.

Styles

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Pimpantes avec leurs quadrillages de poutres et leurs enduits colorés, les maisons à pans de bois sont le symbole fort de l’identité alsacienne. Tantôt penchées par le poids des ans, tantôt altières et fièrement dressées, elles ont en commun d’être démontables. Toutes paraissent se ressembler mais toutes sont uniques !

le nuancier de l'alsace
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Côté Architecture

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Le portail, signe de richesse

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Dans les exploitations des « Rossbüre » (propriétaires possédant des chevaux), la ferme dresse un imposant portail qui peut compter jusqu’à deux portes charretières flanquées d’un portillon. Chacune est encadrée de pierres de taille moulurées et sculptées d’ornements : oiseaux, cœurs, bouquets de fleurs stylisés et plantés dans un vase ou un cœur, soleil en mouvement (svastika), vers lequel se tournent des animaux (cheval, cerf…). Si le porche est couronné d’un toit coiffé de quatre à cinq rangs de tuiles plates, le portillon présente, lui, un linteau en grès rose mouluré souvent surmonté d’une colonnade (trois colonnettes), et d’une draperie en bas-relief évoquant le voile du Temple de Jérusalem se déchirant à la mort du Christ. Au bas des murs, on aperçoit des soupiraux (ovales ou rectangulaires), qui peuvent être occultés par deux dalles coulissantes de grès ou des fers plats forgés refendus en « balais de sorcières », destinés à repousser les influences maléfiques.

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Dans le Hanau, les villages se distinguent par leurs grandes fermes à cour en U.

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Expressif pays de Hanau

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Borné par l’Alsace bossue et les Vosges, cet ancien comté protestant de Hanau-Lichtenberg déroule des paysages vallonnés. Y alternent coteaux, collines aux allures de croupes allongées et plaines fertiles (céréales, pommes de terre, maïs, colza, tournesol...). Bouxwiller, sa capitale conserve son tracé médiéval et de belles maisons en pierres et colombages, parées d’oriels en bois sculpté ou en grès rose. Petite loge rectangulaire ou en forme de tourelle hexagonale, bâtie en encorbellement au centre de la façade ou à l’un de ses angles, cette avancée permettait de s’isoler tout en profitant d’une vue multidirectionnelle sur la rue. Les villages se distinguent par leurs grandes fermes à cour en U. Balcons et balustrades agrémentent le corps d’habitation et participent au décor. Enduits et poutres sont souvent gravés d’inscriptions (patronymiques, religieuses, commémoratives), ou rehaussés de peintures polychromes.

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Un décor qui signe les croyances

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Si toutes les maisons cultivent un air de famille, aucune ne se ressemble tout à fait. Chacune présente son identité gravée sur un linteau en grès rose ou sur une poutre sablière en chêne. Serpette de vigneron, tonneau et maillet de tonnelier, fer à cheval du maréchal-ferrant… rappellent l’activité du propriétaire tandis que les millésimes de construction et les devises sont riches d’enseignements. Ouvrages de triangulation, les pans de bois secondaires (croix de saint André, losanges…), évoquent aussi maints symboles : prospérité, fécondité, richesse, invocations à la protection divine, repoussoir au malheur… Ainsi, la croix de saint André, suggère-t-elle la prolixité familiale, la chaise curule évoque l’affirmation du pouvoir…

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Fermes de « Seigneurs-paysans » de l’Outre-forêt

Au nord, cette région épouse l’extrémité septentrionale de l’Alsace. Avant de s’ouvrir sur l’Allemagne avec laquelle elle partage la frontière du Palatinat, elle a vécu relativement isolée, développant une identité spécifique. Modèle d’ordre et d’harmonie, les bourgs dressent d’opulents corps de ferme en pans de bois aux décors soignés coiffés de toits à petite croupe. Datant du XVIIIe ou XIXe siècle, les maisons sont implantées perpendiculairement à la rue. Dans son prolongement, les dépendances forment un L voire un U qui forme une cour ouverte sur la rue que seule une petite clôture en bois soutenue par de beaux piliers carrés en grès et coiffés d’un bulbe délimite. Plus nombreuses qu’ailleurs, les fenêtres sont dotées de vitres bombées vers l’extérieur. D’origine Badoise, les « vitres de Kehl », permettent de voir dehors… sans être vu. L’étable et la grange sont contreventées de losanges, barrés de la croix de saint André, qui appellent la prospérité sur les moissons et le cheptel. Les décharges en S dotées d’ergots latéraux sont dérivées du svastika indou (symbole des forces cosmiques représentant le soleil et la lumière). Protégés des intempéries par des auvents couverts de tuiles à chaque niveau, les pignons montrent parfois des poteaux corniers sculptés de colonnes à vis, symbole du rythme des saisons et signe protecteur contre l’incendie.

Côté Culture

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Histoire et géographie

Villages aux maisons à colombages, éclatantes de couleurs, cigognes juchées sur les toits, route des vins, winstubs gourmands, cathédrale...Grande région touristique aux merveilles d’architecture, l’Alsace et les images qu’elles reflètent enflamment notre imaginaire. Mais derrière ce décor authentique, elle sait conjuguer respect des traditions tout en étant tournée vers l’avenir.

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Démontable du sol au plafond

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Pragmatiques, les Alsaciens ont construit leurs maisons avec les matériaux les plus accessibles. La plaine offrant peu de pierres à bâtir et le grès rose du massif vosgien étant coûteux (extraction et transport), ils ont privilégié le bois, un matériau abondant, résistant, isolant, d’un rapport volume/poids plus avantageux que la maçonnerie et propice par ses multiples mises en œuvre à une riche symbolique. En dehors de l’Alsace bossue et des Hautes Vosges, presque toutes les maisons sont formées de « murs-charpente » assemblés par tenons-mortaises chevillés et dont la caractéristique est d’être « démontable ». Formées de sablières (basses et hautes), entre lesquelles sont dressés des poteaux (d’angle, intermédiaires…), les façades reposent sur un soubassement maçonné qui les protège de l’humidité du sol. Souvent c’est tout le rez-de-chaussée qui est bâti en pierres (moellons calcaires et encadrements de grès rose). Simple à édifier, cette technique des « bois longs » (les poteaux sont d’un seul tenant du soubassement au toit), limite la hauteur de la maison.

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Pragmatiques, les Alsaciens ont construit leurs maisons avec les matériaux les plus accessibles, notamment le bois. Matériau abondant, résistant, il est propice par ses multiples mises en œuvre à une riche symbolique.

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Plus courts mais plus élancés

À la Renaissance, l’utilisation de « bois courts » affranchit les charpentiers de cette contrainte dimensionnelle. Désormais, les poteaux d’angle (cornier) s’interrompent à chaque niveau pour s’emboîter dans une sablière intermédiaire. Indépendants les uns des autres, ces niveaux porteurs se superposent pour former deux à trois étages. La poutraison gagne en élégance, les lignes verticales dominent, façon « colonnade » (d’où le « colombage »). Les fenêtres sont plus nombreuses, plus hautes et disposées avec symétrie. Toutefois, sous l’effet des charges, les façades tendent à se déformer. On les triangule en plaçant des pièces de bois en oblique (écharpes, décharges…) tandis que des poteaux intermédiaires sont placés sous les baies. De cette contrainte constructive est née une riche ornementation.

Gain de place sur le vide

Ainsi indépendants et différenciés, il devient possible de décaler les étages les uns par rapport aux autres. La technique de « l’encorbellement » est née. En façade, on fait dépasser les solives du plancher du 1er étage à la perpendiculaire de la sablière haute (60 à 80 cm), avant d’édifier le second étage en porte-à-faux. Une aubaine pour les habitants souvent « à l’étroit » dans des cités corsetées de fortifications. Après le travail du charpentier, vient celui du « maçon de torchis » qui crée un treillis de baguettes de bois dans les vides laissés par les poutres pour les remplir d’un mélange de terre argileuse et de paille. Après séchage, ce torchis est recouvert d’un enduit à la chaux naturelle.