Maisons de Kochersberg et vignoble

Les promenades dans le cœur des villes sont de véritables enchantements. Les différentes époques de construction s’y côtoient en harmonie, toujours rigoureusement entretenues et mises en valeur par les couleurs, le fleurissement, les détails ornementaux. Un ravissement.

Styles

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La maison alsacienne est une séductrice à l’art consommé. Depuis la rue, elle laisse deviner quelques atours, juste assez pour donner l’envie de franchir le portail majestueux. C’est alors qu’elle se révèle dans toute sa splendeur.

le nuancier de l'alsace
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Côté Architecture

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Galeries sur pignon

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Un balcon occupe parfois le haut du pignon le mieux exposé de la maison. Signature du charpentier, il est formé d’une rampe à balustres tournées qui repose sur les extrémités des poutres maîtresses du plancher, placées en porte-à-faux. Utilisée comme desserte des pièces de l’étage sous comble, cette galerie est protégée par la croupe du toit aux rives débordantes. Dans le Kochersberg, il est fréquent de voir des balcons à balustres tournés (inspiration Louis XIII), tandis que dans le Hanau s’observent des balcons doubles. Ces derniers superposent deux galeries couvertes par une ferme débordante qui forme un avant-toit ceinturé de deux niveaux de rampes à balustres entre lesquels prend place un arc surbaissé. Ils sont l’œuvre d’une lignée de charpentiers suisses, les Schini, qui ont donné leur nom à ces maisons à colombages. Des frises de losanges moulurés figurent en nombre sur les pignons des habitations, sous les allèges de fenêtres et sur les étables.

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Le vignoble, terre bénie

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Quel paradoxe : s’il ne dépasse pas 3 à 5 km de large (pour 160 km de long), le vignoble qui s’étend sur le balcon ensoleillé des collines sous-vosgiennes est plébiscité dans le monde entier pour ses vins aux subtils arômes. Etagé sur les collines et premier rebord vosgiens, il égrène une mosaïque de sols calcaires, argileux, schisteux... à l’origine d’arômes minéraux, floraux ou de fruits dont s’imprègne les racines. Le printemps est précoce et les pommiers fleurissent dès la mi-avril. Les étés sont chauds, secs et les pluies faibles grâce à la barrière du massif des Vosges. Dès l’époque romaine, la proximité du Rhin favorise l’exportation des vins alsaciens dans toute l’Europe. Petites républiques dotées du statut de ville, les villages du vignoble rappellent cet âge d’or avec leurs façades cossues et leurs édifices richement ornés. À l’annonce des vendanges, ils résonnent d’une intense activité. Tel un fil reliant des perles, la route des vins invite à s’aventurer vers les coteaux par maints sentiers viticoles du nord vers le sud (ou l’inverse).

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Ici, le pan de bois cohabite avec la pierre, proximité du massif vosgien oblige.

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Maisons modelées par la vigne

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Ici, la maison est logiquement bâtie sur une cave creusée dans un sol caillouteux voire rocheux. Le pan de bois cohabite avec la pierre, proximité du massif vosgien oblige. Remparts, nobles demeures et édifices religieux lui font la part belle tandis que les maisons sont formées d’un rez-de-chaussée en maçonnerie que surmontent un, deux, voire trois étages en pans de bois encorbellés. Les plus modestes sont dressées en pignon à la perpendiculaire de la rue tandis que les plus cossues forment des domaines à cour accessible par un portail couronné d’un arc proportionné pour le maniement des tonneaux. Souvent, la clef de l’arc est sculptée de l’emblème du métier. A côté, une porte plus petite permet l’accès des employés et visiteurs. Implanté en fond de cour ou sur l’un de ses côtés, le logis s’ouvre souvent sur un escalier en grès à une ou deux volées. A la Renaissance, l’essor de la vigne favorise la construction de tourelles d’escalier (hexagonales ou octogonales) qui dominent le domaine. Ménagée en retrait, la façade avant laisse la place à une galerie protégée par la toiture. Ceinturée par une rampe à balustres tournés, elle facilite la distribution des pièces de l’étage tout en offrant un point de vue panoramique sur la cour. Enduits à la chaux, les entre-colombages sont rythmés d’ouvertures bien équilibrées et soulignées d’encadrements de grès rose.

Côté Rénovation

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Remplissage méthodique

Le mur-charpente se compose de poutres de chêne dans les régions forestières, tandis que le conifère est plus fréquent en plaine. Souvent, on observe un poutrage en chêne côté rue tandis que le mur arrière est en sapin. Non porteur, le remplissage des vides entre les colombages est traditionnellement comblé avec du torchis, mais ce n’est pas systématique. Ainsi dans la région du vignoble, les entre-colombages sont-ils remplis de moellons (calcaires, grès). Resserré, lissé puis griffé en rainures croisées, le torchis recevait peu après un enduit à la chaux parfois décoré d’un badigeon appliqué « a fresco » (frais sur frais) ou « a secco » (lorsque l’enduit est sec).

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1. Isolation des murs

Isoler de l’intérieur : un impératif en Alsace
C’est une évidence : les maisons à pans de bois séculaires se prêtent mal à une isolation thermique par l’extérieur ! De même, l’isolation intérieur par collage de complexes de doublage (polystyrène expansé, mousse polyuréthane, laine minérale associée à une plaque de plâtre), sont incompatibles car conçus pour des murs plans. Pourtant, en ces temps de flambée des prix de l’énergie, l’isolation des façades en pans de bois s’avère nécessaire pour offrir un confort thermique et phonique, été comme hiver, tout en réduisant la facture de chauffage. La pose de panneaux de laine végétale semi-rigides (laine de bois, chanvre, lin, ouate de cellulose, plumes de canard… certifié ACERMI), dans une ossature bois fixée contre les murs, est l’une des meilleures solutions pour associer pouvoir isolant et régulation hygrométrique. Pour autant, le colombage n’est pas nécessairement « sacrifié ». En effet, l’isolation du mur exposé sud n’est pas indispensable et vous pouvez valoriser les murs intérieurs (ou refends). Sans compromettre la stabilité de la maison, il est possible de les ajourer en ôtant le torchis de remplissage (ou les moellons). « Décloisonné », l’espace se fait plus fluide et gagne en clarté. Poteaux, poutres et écharpes des murs de refend décapés de leur vieille peinture ou nettoyés de leur salissure, n’en seront que plus apparents !

Déco : recettes simples mais chatoyantes
Une fois isolés, les murs peuvent être habillés de boiseries rehaussées de peintures naturelles riches en nuances (à base d’huile de lin, colle de peau, craie, ocre…), afin d’offrir un décor traditionnel chaleureux. Point n’est besoin de disposer d’un gros budget. Des sections de portes panneautées et des planches de récupération rabotées, poncées peuvent former à bon compte le soubassement et les panneaux de vos boiseries. Plus classique et économique, l’isolation par doublage consiste à fixer sous ossature métallique une laine de verre semi-rigide jointive et continue. Elle est maintenue sur toute sa hauteur par des montants (rails ou fourrures), contre lesquels sont vissées, après insertion des gaines électriques, des plaques de parement. Enfin, n’oubliez pas d’isoler le ou les planchers d’étages, souvent bruyants, avec une dalle de chanvre, une chape de chaux et copeaux de bois, une chape sèche revêtue de plaques haute densité…

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Le double colombage : préserver l’aspect bois
Inspirée du placage décoratif intérieur, cette technique consiste à créer un faux pan de bois (structures en bois de récupération) contre le mur à isoler, puis à le remplir d’un mélange terre-paille. Décoratif et non porteur, ce colombage à entraxe espacé est dressé 5 cm en amont du mur pour ménager un vide qui sera comblé par le béton végétal, assurant ainsi une bonne cohésion entre le mur et le cadre rapporté. Un coffrage (panneaux d’agglomérés hydrofuges), est vissé à la base de ce dernier après avoir collé, au préalable, des plaques de polystyrène (2 cm d’épaisseur), sur leurs faces internes. L’objectif est de ménager une réservation pour appliquer plus tard un enduit à la chaux. Sorte de barbotine d’argile, la terre-paille est préparée avec une terre argileuse que l’on verse (la veille du chantier) dans une cuve remplie d’eau pour l’hydrater et la faire gonfler. Puis, des brins de paille sont jetés dans la barbotine qu’il faut alors fouler aux pieds. Gorgés d’argile liquide, les brins de paille sont jetés le lendemain dans les coffrages puis fortement compactés (avec un pilon ou une dame). Bien qu’économique et respectueuse de l’esprit constructif alsacien, cette méthode s’avère toutefois contraignante tant dans la réalisation des colombages décoratifs, que le calendrier de mise en œuvre du terre-paille (mai-juin) ou le temps de séchage (trois à quatre mois environ en aérant régulièrement la pièce). De plus, l’épaisseur totale (30 cm), réduit le volume habitable et l’aspect du placage laisse parfois une impression de faux rustique peu flatteuse.

Refaire les vides entre les colombages...
Absence d’entretien, fuite d’eau… le torchis se désagrège peu à peu, laissant les entre-colombages aussi étanches qu’une passoire ! D’autres désordres peuvent être constatés lorsque le torchis a déjà été rénové et remplacé par des matériaux standards (briques, béton cellulaire…), comme des fissures d’enduit voire même des décollements par plaques. Il est alors temps de les remplir avec des matériaux respirants, souples et isolants sur le plan thermo-acoustiques tel le chanvre banché. Le principe est simple : après piquage du torchis ou dépose des blocs de maçonnerie, on coffre (panneaux d’agglomérés, planches de coffrage…) les faces avant et arrière des vides laissés entre les poteaux et poutres. Puis, on les remplit d’un béton végétal non porteur composé de fibres de chanvre, de chaux et d’eau que l’on compacte. Au préalable, on contrôle le bon état des rainures (jadis creusées dans la face interne des entre-colombages) pour assurer la cohésion du conglomérat, à défaut, on peut fixer des lattes sur leur pourtour. De même, il faut, côté façade extérieure, coller des plaques de polystyrène sur les faces internes des banches afin de créer une réservation pour appliquer ultérieurement un enduit à la chaux. Toutefois, pour obtenir une isolation performante, une épaisseur de 25 voire 30 cm est requise, ce qui représente presque trois fois l’épaisseur du mur-charpente. Aussi, ce type de chantier peut être mis à profit pour dresser un contre-mur intérieur dans la foulée. Dans ce cas, il ne faut pas coffrer les entre-colombages de la face intérieure du mur mais fixer les banches une quinzaine de centimètres plus loin. Des vis de butée et de serrage assurent un intervalle constant entre le coffrage et le pan de bois. Perte d’espace, disparition des colombages intérieurs et délais de séchage compris entre 1 et 3 mois (selon le taux d’humidité, la ventilation, la météo...) sont les inconvénients principaux de ce procédé.

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Sous leur robuste apparence, ces logis de bois et de terre craignent l’humidité qui désagrège peu à peu leurs membres.

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2. Isolation du toit

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Simple ou double écailles en toiture ?
L’enchevêtrement des toits coiffés de petites tuiles (de couleur ocre orangée ou émaillées), participe à l’harmonie du village. Cet attrait est lié à l’usage d’une tuile en écaille appelée queue de castor («Biberschwanz»), et à la forte pente du toit (45 à 65°). Elle est bombée et présente deux stries en V pour canaliser l’eau de pluie et l’évacuer rapidement. A sa base, le toit se relève grâce à un coyau qui éloigne le ruissellement de l’eau des murs. Car sous leur robuste apparence, ces logis de bois et de terre craignent l’humidité qui désagrège peu à peu leurs membres. On distingue deux types de mise en œuvre : la pose à recouvrement simple où toutes les tuiles sont alignées en rangs parallèles de bas en haut et la pose à triple recouvrements avec joints décalés d’un rang à l’autre. Economique, le premier mode de pose a souvent été employé car il diminue le nombre de tuiles et ne nécessite pas de charpente très robuste (22 à 26 tuiles au m2, 50 kg au m2). Mais sa capacité d’étanchéité diminue au fil des ans (présence de lichen ou mousse sur la surface des tuiles, déplacement en cas de tempête), et exige une surveillance régulière.

Refaire la couverture avec l’isolation intégrée ?
Si vous devez refaire votre couverture, optez pour la seconde mise en œuvre à la façon des tuiles plates, avec écran de sous toiture et scellement des tuiles de rives, qui garantit une parfaite étanchéité et longévité. Cette couverture plus lourde (36 à 40 tuiles au m2 , 75 kg au m2 ), peut dans certains cas nécessiter le renforcement des chevrons (mise en place de nouveaux chevrons s’ils sont trop espacés par exemple). Mais si la toiture est à rénover complètement (isolation défectueuse ou absence d’isolation, travaux de charpente conséquents), la solution la plus efficace est de la démonter totalement (tuiles, lattage et chevrons). L’objectif étant d’y fixer directement sur les pannes des caissons chevronnés. A la fois support de couverture, isolant et parement intérieur, ces derniers sont formés d’un panneau isolant doté en sous-face d’une finition décorative et encadré de deux chevrons (de 6 à 12 cm d’épaisseur). Absence de pont thermique grâce à l’isolation continue, volume habitable sous comble maximal et sous-face prête à peindre ou à décorer, sont les avantages qui font le succès de ce procédé. Toutefois, si la pose est rapide en construction neuve sur des pannes rectilignes, elle devient plus délicate en rénovation. En effet, les anciennes pannes présentent souvent des déformations (voire des flèches), alors que la pose d’un caisson implique de disposer de trois appuis bien alignés. Il faut donc procéder à des calages et faire preuve d’un bon sens de l’adaptation ! Enfin, le coût et l’esthétique un peu raide du toit peuvent constituer un frein.

3. Les façades

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Graphisme en façade
Badigeons, lait de chaux ocré, peinture… les couleurs utilisées sont multiples et souvent toniques. Elles s’expriment sur les enduits des entre-colombages et sur les menuiseries, créant des graphismes qui animent les façades et affirment leurs identités. Traditionnellement, les enduits sont colorés d’un lait de chaux additionné de pigments qui produisent toutes les nuances du jaune, du rouge et du brun. Les pans de bois sont passés au brou de noix ou à l’huile de lin ce qui leur donne des nuances brunes se détachant en valeurs sombres sur les fonds clairs des enduits. Ce contraste est parfois tempéré par un liseré blanc, vert ou rouge s’intercalant entre l’enduit et le pourtour des poutres. Portes et fenêtres participent aussi à cette animation chromatique par des valeurs complémentaires ou en camaïeu. Parfois percés de coeurs, les volets affichent des teintes de bleu, brun clair ou oxyde de rouge qui encadrent les fenêtres aux tons bois ou blanc. Parfois un vert soutenu réveille les façades et confirme la tendance verte de l’enduit.

Côté Culture

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Histoire et géographie

Riche. L’adjectif symbolise la région pour son patrimoine, ses traditions, ses ressources, son histoire mouvementée par l’intérêt stratégique qu’elle représente. Il n’est donc pas étonnant de constater que le même adjectif s’accorde parfaitement à ses bâtiments.

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Le Kochersberg

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Etablie entre Strasbourg, Wasselonne et Saverne, cette contrée doit son surnom de grenier à blé à ses terres fertiles. S’ajoutent ses houblonnières qui rappellent la tradition brassicole de l’Alsace. Dès le Moyen Age, le Kochersberg (prononcez « coque r’sbergue »), approvisionne Strasbourg et joue des contrastes religieux ou sociaux. Ainsi la commune catholique voisine-t-elle avec la commune protestante, tandis que le gros exploitant côtoie le journalier. Propriétaire d’une grande ferme dont les bâtiments forment une large cour où se distinguent habitation, étable, écurie et grange fermée, l’exploitant réside au cœur du village, mais derrière un imposant portail maçonné avec portes charretières et piétonnes (panneaux de bois en pointes de diamant ou larmes inversées…), ceinturé de grès rose et couvert d’un toit à deux pans. Aux mains des journaliers, les petites exploitations reproduisent cette disposition mais à échelle réduite à l’entrée des bourgs. Sur les grands domaines, les décors sont abondants, « Mann » et « demi-Mann » (combinaison de poutres verticales et obliques, barrées d’horizontales qui évoque la silhouette d’un homme, jambes écartées et bras levés au ciel), losanges (issu d’un ancien alphabet scandinave « runique », il représente le sein ou la matrice maternelle), chaises curules (symbole d’un personnage important). Dans la cour, loggias et galeries sont fréquentes avec leurs garde-corps de balustres tournés ou de planches chantournées.