Maisons du Jura

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Cirques grandioses, montagnes plissées en « chapeau de gendarme », cascades spectaculaires, lacs d’origine glaciaire aux eaux bleutées, vignoble ponctué de cités pittoresques, forêts majestueuses de feuillus et de résineux… Le Jura livre d’étourdissants paysages. Tels des miroirs de leurs terroirs, les types d’habitat reflètent les matériaux locaux, les ressources exploitables et les conditions climatiques : pans de bois de Bresse, fermes de polyculture, maisons de vignerons du Revermont, ferme de montagne du Haut-Jura…

Styles

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Les fermes isolées sont massives et taillées pour résister au rude climat du Jura. Plus vers le sud, les maisons à pans de bois sont courantes.

le nuancier jurassien
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Côté Architecture

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Fermes à toutes épreuves

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Sur les plateaux, la ferme s’apparente à une maison-bloc qui abrite étable, grange et logis sous le même toit. C’est une maison de plan rectangulaire (en travées), implantée dans l’axe des vents dominants pour offrir le moins de prise possible aux pluies et bourrasques de neige. Souvent, elle est encadrée de deux pignons qui débordent légèrement par rapport à la façade. Ces «coches» reliés par l’avancée du toit délimitent ainsi une allée couverte qui protège les portes et fenêtres et permet d’empiler le bois à l’abri des intempéries. Sur les hauteurs, la ferme d’un seul tenant, avec façades dressées en pignon, qui regroupe hommes, troupeau et fourrage est fréquente. Elle compte deux niveaux. En bas, se logent l’habitation et l’étable. A l’étage, sous la toiture à croupe, prend place la grange qui communique avec l’étable par une trappe depuis laquelle on déverse le foin pour nourrir les bêtes lors des longs mois l’hiver.

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Grenier fort : l’indispensable pare-feu

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Dotées d’une cheminée formée d’un conduit pyramidal en planches d’épicéa (le «tué»), et abritant de grosses quantités de fourrages pour l’hiver, ces fermes étaient vulnérables à l’incendie. Aussi, les Haut-Jurassiens édifiaient-ils un « grenier fort » à une dizaine de mètres de l’habitation où ils remisaient leurs biens les plus précieux (papiers de famille, costumes, céréales, jambon, lard, saindoux, eaux de vie...). Parfois creusés d’une cave, ils sont bâtis en maçonnerie ou en bois. Ils reposent alors sur des dés de pierre qui les isolent de l’humidité du sol et des souris. Sans fenêtre, ils sont accessibles par une double porte dotée d’une serrure.

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L’irruption des matériaux modernes (blocs de béton, ciment, PVC), dans un contexte de libre-échange, a imposé une transformation souvent radicale de l’habitat traditionnel.

Côté Rénovation

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Moderne par tradition

Comme dans d’autres régions de montagne, l’essor des moyens de communication, des sports d’hiver et l’irruption des matériaux modernes (blocs de béton, ciment, PVC), dans un contexte de libre-échange, a imposé une transformation souvent radicale de l’habitat traditionnel. Ainsi, les stabulations en charpente métallique, les enduits de ciment ou les toits en bac acier nervuré (zingué, galvanisé ou laqué), se sont-ils imposés dans le paysage. Pourtant, sous l’impulsion du Parc du Haut-Jura (aidé de fonds européens), diverses initiatives ont permis de remettre au goût du jour des matériaux traditionnels tels que les enduits à la chaux ou les tavaillons.

1. Les murs

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Le retour du tavaillon
Rigueurs de l’hiver, pluies d’automne, fragilité des enduits à base de sable et d’argile… Pour faire face aux intempéries, les pignons étaient souvent couverts de tavaillons (ou « baptaillées »), des planchettes d’épicéa ou de mélèze aux veines serrées et droites fendues dans le sens du fil du bois, clouées à triple recouvrements et joints décalés sur une trame de bois. Depuis une quinzaine d’années, quelques artisans passionnés perpétuent cette tradition. Ils utilisent de l’épicéa d’altitude à croissance lente (âgés de 120 à 150 ans, 60 cm de diamètre environ). Et ne retiennent que ceux qui présentent des veines droites, fines et régulières dénuées de nœuds qui laissent l’eau s’écouler sans pénétrer le bois. Les fûts sont débités en meule puis refendues en quartiers et enfin en bardeaux à l’aide d’un fer à fendre et d’un maillet (longueur : 33 à 42 cm, largeur : 10 à 16 cm, épaisseur : 8 à 10 mm). La pose s’effectue sur une ossature (demi-chevrons, chevrons, tasseaux…), qui ménage une lame d’air. Des panneaux isolants (laine de bois, de chanvre…), peuvent être compressés entre les montants pour renforcer l’isolation à la manière d’une ITE (Isolation Thermique Extérieure). Les tavaillons sont toujours cloués, jamais agrafés. Ainsi, ils offrent une forte longévité.

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2. Enduire les façades

Une poudre miraculeuse !
Dans le Jura comme en Franche-Comté, la pierre est le matériau de construction par excellence (calcaire et grès très abondants et variés). Façades en pierres équarries en parement et pierres de taille ou en moellons hétéroclites protégés par un enduit à la chaux, toitures couvertes d’épaisses dalles de calcaire à bords biseautés (ou « laves »), « pierres levées » dressées dans de petites tranchées qui délimitent les propriétés… autant d’exemples qui montrent l’importance du minéral même si l’usage du bois n’est jamais exclu. Souvent les façades étaient enduites à la chaux pour protéger leurs maçonneries des contraintes climatiques et mettre en valeur leurs chaînages d’angle et encadrements de baies en légère saillie. Liant universel, à la base de toutes les architectures, la chaux est employée depuis la plus haute Antiquité. Véritable colle minérale naturelle, elle s’obtient par cuisson de roches calcaires (vers 900 °C). Ses caractéristiques sont donc quasi identiques à celle de la pierre calcaire. Microporeuse, elle respecte l’équilibre hygrométrique (rejet des eaux de pluie, évacuation de l’humidité ascensionnelle, condensation), et donne aux maisons leur personnalité (matière, texture, coloration). Mêlée à du sable, la chaux forme des enduits souples, onctueux et très adhérents.

Bien au chaux…
On distingue la chaux aérienne éteinte (CL), et la chaux hydraulique naturelle (NHL), étanche à la pluie mais perméable à la vapeur d’eau pour assurer son évacuation, ce qui est indispensable à la longévité des maçonneries et au confort thermique intérieur. Produite avec des calcaires très purs (contenant moins de 5 % d’argile), la chaux aérienne éteinte durcit lentement et uniquement au contact de l’air (prise par carbonatation). La nature hydrophobe de cette chaux grasse est donc peu compatible avec les intempéries (froid, gel, pluie). On l’utilise volontiers pour les enduits intérieurs et les finitions d’enduit avec badigeons a fresco (appliqué frais sur frais). La chaux hydraulique naturelle est obtenue avec des calcaires légèrement argileux (10 à 15 %), qui leur donnent son « hydraulicité ». Plus facile à mettre en œuvre, elle fait prise assez rapidement même en présence d’humidité. Sauf cas particuliers, il ne faut pas l’associer au ciment (même blanc), puisqu’elle en contient déjà. L’enduit est formé de trois couches, chacune d’elles jouant un rôle particulier. Le gobetis (épaisseur 5 mm environ), est un mortier riche en liant projeté sur le support propre qui assure la cohésion entre la maçonnerie et la seconde couche. Appelée aussi corps d’enduit, celle-ci (épaisseur 10 mm environ) contribue à l’imperméabilité et à la plasticité afin de redresser les irrégularités du support. Intégrant un sable fin (2 à 3 mm), la couche de finition (7 mm environ), assure le rôle de protection et de décor.

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L’enduit est formé de trois couches, chacune d’elles jouant un rôle particulier.

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Finitions : l’embarras du choix
Elles sont variées suivant la nature de la pierre, la région et le savoir-faire des maçons ainsi que la représentation sociale de l’édifice. « Beurrée » ou à « A fleur de pierre » (le mortier est étalé grossièrement à la truelle sur les joints pour que seule la surface saillante ou bombée de la pierre reste visible), « grattée » (la surface est raclée avec la tranche d’une truelle ou une taloche garnie de pointes pour faire ressortir le grain), « talochée à gros grains » (finition serrée au bouclier puis frottée à la taloche avec des mouvements circulaires), « striée » (au début de la prise en longues passes horizontales pour faire rouler les plus gros grains sous l’outil et laisser des stries plus ou moins allongées). À ces finitions classiques s’ajoutent les badigeons, obtenus à partir de chaux aérienne diluée dans l’eau, plus ou moins transparents selon leur teneur en ocre ou pigments (à préparer soit même ou à acheter déjà formulés). Utilisés à l’intérieur et à l’extérieur, ils sont appréciés pour leurs qualités décoratives et protectrices des enduits.

Côté Culture

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Histoire et géographie

Frontalier avec la Suisse, le Jura doit son nom à la chaîne de montagne qui le traverse et s’étire sur près de 300 km jusqu’au sud de l’Allemagne. En raison du découpage départemental, il est sans doute « moins jurassien » que son voisin, le Doubs (presque tout entier situé en zone montagneuse), et guère plus que l’Ain auquel il abandonne son plus haut sommet (le Crêt de la Neige à 1 723 m).

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Le Revermont et son or jaune

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D’ouest en est, de la plaine de la Saône aux rebords du Jura, le vignoble dresse ses ceps sur 70 km de long et seulement 5 de large. C’est l’un des plus petits vignobles de France mais l’un des plus originaux par sa typicité et l’excellence de ses crus. Il doit sa renommée à son vin jaune qui agrémenta la table des rois de France dès 1298. Capitale du vignoble, Arbois est une cité à l’opulente architecture peuplée de caves où se pressent les amateurs de crus. Elle doit aussi son éclat à un « bienfaiteur de l’humanité », Louis Pasteur (né à Dole), qui y établit ses quartiers d’été. L’habitat montre une organisation des volumes tantôt verticale, tantôt horizontale suivant les contraintes topographiques (nécessité de disposer d’une cave et d’épargner les coteaux ensoleillés en regroupant les maisons sur les hauteurs). Dans la partie nord, la cave voûtée est enterrée et l’habitation occupe le rez-de-chaussée que surmonte un grenier. Au sud, le cellier est aménagé de plain-pied et on accède à l’étage d’habitation par un escalier extérieur abrité par la toiture qui se prolonge en auvent. La viticulture n’étant pas suffisante pour nourrir une famille, il fallait souvent trouver un complément de revenu telle la pratique de l’élevage ou la polyculture.

Le Haut-Jura, que la montagne est belle

Au centre du département, s’ouvre la région des lacs entourée de forêts dont les flamboyants feuillages d’automne rappellent les paysages du Canada. Ces étendues vertes et bleues sont nées il y a 10 000 ans lors de la fonte des glaciers qui ont laissé derrière eux des cuvettes. A l’est, s’ouvre le Haut-Jura. La forêt y couvre 70 % du territoire, étageant son épais manteau de feuillus (chênes, hêtres, charmes…), et de résineux (épicéas, mélèzes…). Impétueuse ou assagie, l’eau sourd de toute part : sources, rivières rythmées de rapides, lacs, cascades qui se déversent en chutes vertigineuses… Créé en 1986, le Parc régional du Haut-Jura protège et valorise ce pays de moyennes montagnes. Saint-Claude, sa capitale, doit son dynamisme à un artisanat spécialisé (fabrication de pipes, taille de pierres précieuses). A l’est, la station des Rousses est réputée pour son domaine skiables et la Transjurassienne qui réunit 3 000 skieurs pour une course de 76 km.