L'habitat Lorrain

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La maison type de l'habitat lorrain est une ferme-habitation à « développement en profondeur » (les murs pignons sont plus longs que les façades alignées sur la rue). Si elle est parfois isolée dans la campagne, on l’observe le plus souvent groupée, bâtie le long d’une rue principale. Ainsi « jointives », les maisons présentent-elles des pignons souvent mitoyens ou parfois décalés lorsqu’elles ne sont pas bâties selon le même alignement.

Styles

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La maison lorraine n’est pas sans rappeler la ferme du Sud-Ouest (Landes, Gascogne, Pays Basque...). Toutefois, elle s’en distingue par sa disposition en façades alignées le long d’une rue. De plus, elle s’en écarte par des ouvrages spécifiques qui signent son identité régionale : charpente découpant l’espace en travées, toit coiffé de tuiles rondes, présence d’un lanternon (puits de lumière appelé « flamande »), qui longe le conduit de cheminée pour émerger du toit et éclairer la cuisine, pièce souvent borgne car située au centre de la maison.

LE NUANCIER LORRAIN

Côté Architecture

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Unique en son genre

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L’agencement intérieur est structuré par des murs de refend bas dressés à la perpendiculaire de la façade. Ils délimitent deux, trois voire parfois quatre travéesrains » ou « rangs », termes locaux), encore lisibles grâce à leurs portes spécifiques lorsque la façade n’a pas été bouleversée. Une porte plus ou moins ouvragée souvent associée à une fenêtre s’ouvre sur un couloir qui distribue les pièces en enfilade de l’habitation (chambres, cuisine avec cheminée…), tandis que deux portes charretières successives en plein cintre donnent accès à la grange (stockage fourrage, aire à battre le blé, lieu de travail et de réunion), puis à l’écurie. Les fermes plus cossues peuvent offrir une quatrième porte ouvrant sur l’étable. Pour minérale qu’elles puissent paraître, ces fermes cachent derrière leurs façades enduites une imposante charpente autoporteuse tout aussi essentielle à leur stabilité. Sa toiture (dont le faîtage, rappelons-le, est parallèle à la rue) compte deux pentes assez faibles traditionnellement couvertes de tuiles canal.

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Charpente à homme-Debout, des fermes avec ou sans ferme

Protohistorique, monastique, genevoise ? Les origines de la charpente rurale de Lorraine restent énigmatiques. Une chose est sûre, elle est liée au type même de l’habitat organisé en village-rue. Ainsi, la toiture de la ferme parallèle à la rue (qu’elle soit quadrangulaire ou qu’elle s’étire en travées), doit-elle abriter gens, animaux, fourrage et matériel. Aussi est-elle souvent portée par des poteaux qui s’élèvent de « fond en comble ». Appelés « homme-debout », ils intègrent ou non une ferme traditionnelle triangulée. Ils reposent au sol sur un dé de pierre ou sur un mur de refend. L’abondante forêt et le « droit de marnage » qui autorisaient les villageois à y collecter le bois nécessaire à la construction des maisons ont fait du bois le matériau privilégié de la construction. La charpente en bois divise le bâtiment en travées différenciées. Le bois forme le plancher d’étage et, jusqu’au XVIIIe siècle, constitue le matériau de couverture. À l’image du pan de bois, cette charpente à poteaux porteurs s’avère plus économique que la maçonnerie. Composée de poutres et poteaux (chêne ou sapin), assemblés par chevillage, elle forme une structure porteuse modulable qui dégage de vastes volumes, assure la communication entre les travées. Il ne reste plus qu’à bâtir les façades en maçonnerie tout autour !

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En rénovation, l’isolation par l’intérieur s’impose, notamment pour la façade non mitoyenne, pour concilier respect du bâti, confort thermique et économie d’énergie.

Côté Rénovation

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1. Isolation

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Un bon équilibre entre inertie et isolation thermique

Première source de déperdition (évaluée à 30 %), la toiture est à isoler en associant un pare-pluie, un isolant épais (20 à 30 cm), et un freine-vapeur. Privilégiez un isolant naturel dense permettant un déphasage thermique été comme hiver. Si les combles sont habités, l’isolation s’effectue en sous-face en fixant des panneaux ou des rouleaux de laine de chanvre, fibre de bois, lin…, ou en comprimant un isolant en vrac (ouate de cellulose, fibre de chanvre...) dans des caissons faisant office de coffrage préalablement fixés contre les chevrons. Pour les murs, si l’isolation par l’extérieur est la solution la plus performante en construction neuve, elle est incompatible avec le bâti ancien car elle fait totalement disparaître ses façades. L’isolation par l’intérieur s’impose donc pour sauvegarder encadrements des baies et épaisseur des tableaux, modénatures, alignement par rapport aux autres façades mitoyennes et empiétement sur l’usoir. Aussi, l’isolation par l’intérieur s’impose-t-elle, notamment pour la façade non mitoyenne, pour concilier respect du bâti, confort thermique et économie d’énergie. Là encore, mieux vaut choisir des isolants « perspirants » associés à un freine-vapeur qui assurent une migration de la vapeur d’eau de l’intérieur vers l’extérieur. Rouleaux ou panneaux, sont insérés entre des chevrons (fixés contre la maçonnerie), puis fermés par des plaques de parement en gypse et cellulose par exemple. Evitez de créer des lames d’air entre la maçonnerie et l’isolant au risque de favoriser la condensation.

2. Enduire les façades

Des goûts et des couleurs

Elément capital de l’aspect de la maison, la couleur doit être choisie en fonction de sa teinte d’origine liée à la nature de la chaux et du sable (rivière, carrière), employés et à la présence éventuelle d’un badigeon. Mais encore faut-il que la façade n’ait pas été cimentée dans les années 1960-1980. Ce qui n’est pas gagné. Aussi, outre les teintes des maisons voisines (si elles n’ont pas été dénaturées), tenez compte des éléments permanents de la façade : nature de la maçonnerie en moellons (souvent gris ocré ou ocre jaune léger), pierres d’encadrement des portes et fenêtres (grès rose), des menuiseries (si elles sont d’origine), des tuiles… Une façade réussie doit être harmonieuse et se fondre dans son milieu. Suivant le principe de la hiérarchie visuelle, les ouvrages secondaires (encadrements de baies, volets, portes, ferronneries...), doivent accompagner la couleur de la façade pour en souligner les détails sans heurt. Les volumes secondaires accolés (remise, grange, garage), seront traités avec une teinte plus neutre. Le bon usage de la couleur permet de modeler les volumes ou d’atténuer la masse de bâtiments inesthétiques. L’idéal est de réaliser quelques échantillons que vous pourrez apprécier à tête reposée, ce d’autant que la couleur est très variable selon l’intensité de la lumière et des saisons.

Trouvez la perle rare

Choisissez l’artisan ou l’entreprise en fonction de ses compétences et expériences en matière de rénovation du bâti ancien. Comme nous l’avons vu plus haut, il est indispensable d’avoir déjà réfléchi au projet voire de rencontrer un architecte conseil du CAUE ou un délégué associatif (Maisons Paysannes de Lorraine), afin de pouvoir parler à peu près le même langage avec vos interlocuteurs. A chaque artisan ou entreprise consultée, on demandera des références de chantiers équivalents. L’idéal est de profiter d’une ou plusieurs visites pour apprécier son savoir-faire. À l’artisan pressenti, on demandera une copie de son contrat d’assurance décennale ou biennale. En général, consultez plusieurs professionnels et demandez un devis détaillant les travaux et le coût de chaque poste afin de pouvoir les comparer. Le coût de l’opération au regard de la prestation et de sa durée estimée doit être examiné avec soin. En fonction de l’ampleur et de la complexité des travaux, l’intervention d’un architecte peut s’avérer nécessaire. Son rôle sera d’assurer en concertation avec vous, la bonne conduite du chantier.

3. Humidité des sols

Optimiser le confort du sol

Bâties sur cave ou terre-plein, les sols des maisons sont souvent à l’origine d’un effet de « parois froides » lié à la nature même de la pierre et à l’humidité extérieure. Aussi faut-il réguler l’humidité en évitant de la bloquer dans le sol : elle ressortirait alors par les murs, générant moisissures et condensation. Si la maison repose sur une cave (qui capte naturellement l’humidité du sol) il convient de la ventiler en laissant régulièrement les soupiraux ouverts (ou en ménageant deux petites ouvertures diamétralement opposées s’ils font défaut). Par temps très froid, ils peuvent être obturés pour ne pas refroidir la cave ni le rez-de-chaussée. En l’absence de cave, il peut être nécessaire de réaliser un drainage pour recueillir les eaux souterraines avant qu’elles n’atteignent les fondations et ne remontent dans les murs. Le drain est posé le long de la fondation et recouvert de couches de granulat de plus en plus fin du bas vers le haut, le tout enveloppé dans un géotextile pour éviter tout colmatage (les eaux collectées doivent être ensuite dirigées vers un collecteur d’eaux pluviales). Un hérisson dont le rôle est d’assurer la fondation du dallage et de conduire l’humidité vers le drain ou la cave ventilée et une dalle de béton de chaux et chanvre, perlite, argile, liège expansé, pouzzolane… Le tout dissimulé sous un revêtement de sol ne bloquant pas l’humidité résiduelle (terres cuites par exemple).

Côté Culture

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Histoire et géographie

L’essor du village-rue à partir du XVIe siècle est lié aux contraintes collectives de l’assolement triennal et de la vaine pâture. Côté rue, les maisons sont précédées d’une cour commune (l’usoir, bande de terrain parallèle à la rue large de 5 à 15 m). A l’arrière, s’ouvre le domaine des terres labourées, cultures céréalières, vignes... dénué de clôture (on parle d’ « openfield »). Au sommet de la hiérarchie, les laboureurs possédaient la charrue et jusqu’à trente hectares cultivés par des manœuvres, véritables prolétaires puisque ouvriers sans terre.