Héritage de notre passé géologique, le territoire français est largement recouvert de boue,d'argiles, déposés là durant des milliers d’années, sur des épaisseurs parfois impressionnantes. Ne pas construire dessus risque de poser quelques problèmes de logement. Alors il faut faire avec.. Avec le risque de retrait gonflement de ce sol spécial.
Sol argileux
Cette boue sur laquelle la plupart des maisons de France sont bâties, c'est de l'argile, qui a la particularité d’apprécier particulièrement l’eau sous diverses formes. Lorsqu’il y en a beaucoup, la terre est souple et collante. A l’inverse, par temps sec, elle est dure et cassante. Pour certaines catégories de boues, les argiles gonflantes (smectites, kaolinites), ce phénomène s’accompagne de variations de volumes comparables à un soufflet de bandonéon.
Quand une boue bien détrempée se dessèche, son volume se réduit, verticalement par tassement et horizontalement par fracturation.
A un certain degré d’assèchement, l’eau entre les grains de boue est remplacée par de l’air, ce qui provoque des pressions de succion. Avec le retour de la pluie, les phénomènes inverses s’enclenchent, la boue regonfle, mais pas toujours comme avant. Ce retrait – gonflement intervient en l’espace de quelques semaines, mais de nombreux facteurs entrent en jeu. Outre les quantités de précipitations et la nature du sol, il faut aussi tenir compte des prélèvements dans la nappe, de la végétation environnante, de la pente du terrain et même des travaux de terrassement. Ainsi, une argile bien tassée depuis des millénaires ne bouge presque plus, mais si un bulldozer passe dessus… Il faut enfin noter que ce phénomène concerne la couche superficielle du sol, jusqu’à 2 m de profondeur, exceptionnellement 5 m.
Construire sur un sol argileux est possible, encore faut-il utiliser des techniques adaptées afin de réduire les risques.
Quelles dispositions réglementaires ?
Construire sur un sol argileux est possible. En revanche, il faut bien connaître le risque encouru et choisir les solutions techniques adaptées. Cet aléa, compte tenu de son coût pour les assurances, qui se chiffre en milliards, est désormais bien encadré. Cela signifie qu’une construction neuve qui ne respecte pas ces dispositions n’est pas assurable et ne permettra pas d’être indemnisé en cas de sinistre. Il est également aberrant de vouloir économiser quelques milliers d’euros au risque de voir son rêve littéralement s’écrouler.
Le premier niveau réglementaire concerne l’information. L’état des risques et pollutions, annexé obligatoirement à la promesse de vente ou au contrat de bail, signale l’existence d’un RGA (retrait gonflement des argiles) pour les constructions existantes. Pour les terrains à bâtir, dans les zones exposées à un risque RGA moyen ou fort, le vendeur doit annexer une étude géotechnique préalable de type G1, réalisée par un professionnel, qui indique la nature du sol et les principes généraux de construction pour s’y conformer. Cette étude est valable 30 ans.
Lorsque le projet de construction se concrétise, le maître d’ouvrage, c’est‑à‑dire celui qui commande les travaux, pas celui qui les réalise, doit fournir au maître d’œuvre une étude technique de conception de type G2, qui prescrit les dispositions de construction à respecter. Celles‑ci doivent être prises en compte dans les travaux. L’étude n’est valable que pour le projet concerné. Ces obligations réglementaires s’adressent principalement aux maisons individuelles (et aux bâtiments ne comportant pas plus de deux logements).
Préparation avant de construire
Tout doit d'abord commencer par une étude géotechnique qui prend en compte les spécificités du terrain.
Gérer l’eau aux alentours de la construction
Il s’agit de créer un système de drainage périphérique efficace, d’évacuer correctement les eaux usées domestiques vers l’égout ou un ANC (Assainissement Non Collectif) adapté, et de gérer au mieux les eaux pluviales. Le principe consiste à limiter les variations de l’humidité des sols en surface. Il faut aussi que ces réseaux ne soient pas affectés en cas de mouvement du sol. Il peut être nécessaire d’imperméabiliser les abords de la construction.
Soigner les préparations du terrain
La qualité du terrassement est primordiale pour éviter de construire sur un sol hétérogène ou remanié (dessouchage, nivelage, déblai/ remblai,…). Il ne faut pas laisser d’arbres à proximité, soit une distance égale à leur hauteur à l’âge adulte (1,5 fois pour une haie). Il peut être nécessaire d’ajouter un écran antiracines.
De la fondation à l'élévation
Des fondations étudiées
Comme le désordre est superficiel, il faut descendre les fondations bien plus bas que d’habitude (encastrement de 1,2 m par exemple, avec semelles renforcées), les régler de niveau, même sur un terrain en pente, et les réaliser en béton correctement armé, coulé à pleine fouille, sans coffrage. Les dalles sur terre‑plein sont à éviter. Même la forme de la maison entre en ligne de compte, avec une prime aux formes simples et compactes (pas de redan, pas de sous‑sol partiel, étages de surface équivalente, murs porteurs parallèles,…). La boîte à chaussures est une bonne illustration de ce qu’il faut rechercher.
Des élévations renforcées et indépendantes
Une structure parfaitement rigide répartit les efforts en cas de mouvement du sol et réduit ainsi l’importance des désordres, même si elle ne les évite pas. En clair, il y aura des fissures, mais superficielles, et sans le risque qu’elles mettent en cause l’habitabilité des locaux. Il s’agit là d’appliquer correctement les règles du DTU 20.1 qui imposent un chaînage vertical des angles et un chaînage horizontal pour chaque niveau, le tout étant lié et continu.
Il faut aussi désolidariser par un rupteur de joint vertical les différentes parties de la construction, comme la maison et son garage accolé ou sa terrasse, dès lors qu’elles reposent sur des fondations différentes.
Les risques
Construire sur un sol argileux qui sèche et se regonfle peut provoquer :
- des fissures,
- de glissement de terrain,
- des affaissement,
- des éboulements
Une évolution réglementaire
Les dernières évolutions réglementaires concernant les argiles sont contenues dans l’article 68 de la loi ELAN de novembre 2018 pour la partie législative et d’un décret du 22 mai 2019 pour la partie réglementaire avec un nouveau texte intitulé : "Prévention des risques de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols." Surtout, l’ancienne carte d’aléa a été révisée par le BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières) et, depuis janvier 2020, s’appelle désormais : "Carte d’exposition au retrait‑gonflement des sols argileux". La conséquence directe est un surclassement de nombreux terrains qui sont désormais soumis à une étude géotechnique.