C’est un fait établi : les périodes de températures excessives seront
progressivement plus fréquentes, plus longues et plus chaudes.
Une autre évidence est que le nombre de bâtiments, individuels ou collectifs, conçus pour faire face à ces canicules, est pratiquement égal à zéro, dans le neuf comme dans l’ancien. Le défi est considérable.
Les règlementations
Il est toujours de bon ton de pointer la réglementation et de s’en plaindre. Mais il convient aussi de rappeler qu’elle ne serait pas nécessaire si les acteurs du secteur ne l’attendaient pas pour évoluer. Par exemple, à propos de la réglementation thermique, tous les moyens actuels étaient déjà disponibles en 1975. Il n’a fallu que 47 ans (RE 2020 … en 2022) avant de parvenir à un résultat globalement positif sur les économies d’énergie, ce qui était l’objectif de départ. Pour la lutte contre le réchauffement, on peut raisonnablement attendre un effet probant de la réglementation pour la décennie … 2070 !
Une maison conforme à la réglementation actuelle est à «énergie positive» et, surtout, complètement hermétique.
La problématique
Le besoin thermique n'est pas le confort
Au passage, cette réglementation «thermique» a laissé de côté le confort des habitants. Ainsi, une maison conforme à la réglementation actuelle est à «énergie positive» et, surtout, complètement hermétique. Même s’il est prévu des protections solaires, cette situation conduit à une élévation rapide de la température intérieure et à son maintien, dès les premiers beaux jours et pendant toute la période estivale. Cela tient à l’objectif même du projet : collecter le maximum d’énergie et le conserver autant que possible. La grande oubliée de la rénovation.
Comment habiter dans une boîte hermétique
En conséquence, un logement neuf est aussi inconfortable qu’un bâtiment des années 70 de mai à septembre. Dès lors, certains détracteurs trouvent très hypocrite de donner un coup de pouce aux pompes à chaleur, idéales pour l’hiver et qui ont pour avantage de rafraîchir cette bouteille thermos en été. En effet, il n'est pas sûr que le bilan annuel de consommation d’énergie de ces appareils soit si avantageux que cela.
Établir un bilan
Qu’est ce qui ne va pas dans les bâtiments actuels ? Le bilan est sévère mais simple.
- Les fenêtres et portes-fenêtres de grandes dimensions laissent enter un flot de lumière – et de chaleur – de l’Est à l’Ouest en passant par le Sud.
- L’isolation des façades, surtout par l’intérieur, ce qui est le cas de la majorité des logements construits dans les règles ou rénovés, entretient l’élévation de température intérieure et s’oppose à son rayonnement vers l’extérieur.
- La disparition du cloisonnement intérieur favorise la diffusion des apports de chaleur interne issus de l’activité humaine.
- Privilégier une exposition Sud des pièces de vie expose à davantage de chaleur qu’une disposition Est-Ouest.
- La ventilation naturelle ayant disparu, la ventilation mécanique qui la remplace n’a pas un débit suffisant pour évacuer la chaleur la nuit et continue à fonctionner pendant les heures les plus chaudes.
- Enfin, pour les bâtiments collectifs, les appartements en étage reçoivent plus de chaleur que ceux du rez-de-chaussée.
Comment faire ? Soyons passifs !
Adapter les bâtiments actuels est donc un défi majeur à entreprendre immédiatement. Dans le cas contraire, la climatisation va s’imposer comme une évidence car elle est moins chère que les autres solutions à l’achat, plus facile à installer et, même, plus durable puisqu’il suffit de la remplacer en cas de panne. Alors que refaire une isolation mal conçue …
Mais le gros inconvénient de la climatisation est sa consommation d’énergie et sa contribution active au réchauffement global. L’alternative est donc passive, avec un mot d’ordre simple : empêcher la chaleur d’entrer dans le logement. C’est un oxymore pour des constructions conçues selon l’objectif opposé !
Avec une réglementation active
Pour le neuf, et dans un monde idéal, la réglementation peut intervenir immédiatement, par décret. Il suffit désormais d’interdire les solutions qui favorisent le réchauffement estival comme l’isolation par l’intérieur ou extérieure sans lame d’air ventilée, les surfaces vitrées excessives, les bâtiments sans possibilité d’ouvrir les fenêtres, etc.
En rénovation, la stratégie consiste à adapter l’existant à moindre frais. Car il n’est pas question de recommencer les rénovations thermiques. «Faire et défaire, c’est toujours travailler», mais manque singulièrement d’efficacité.
En rénovation, il faut que la protection solaire soit amovible afin de ne pas créer de gêne en hiver.
Comment lutter contre la canicule
Protéger les ouvrants
L’installation d’une protection solaire extérieure, fixe ou orientable, est intégrée par la réglementation. C’est efficace avec la mise en place de casquette au-dessus des menuiseries, ou de stores vénitiens extérieurs.
En rénovation, sur le même principe, il faut que la protection soit amovible afin de ne pas créer de gêne en hiver. Le store banne, la pergola ou la couverture de terrasse (velum, voiles d’ombrages, …) sont efficaces. Surtout, ils s’opposent aussi au rayonnement solaire incident, réfléchi par le sol.
Tout cela vient en complément de la mise en place de volets extérieurs devant toutes les ouvertures vitrées. C’est la présence, et l’utilisation, des volets qui sont importantes ; bien avant leur type (battant, roulant, pliant, …).
Protéger les façades
La température de surface d’une maçonnerie exposée plusieurs heures au soleil d’été dépasse 50°C voire 80°C en toiture.
Une façade blanche absorbe 40% du rayonnement solaire contre 90% pour une surface vert sombre, marron ou noire. C’est un principe physique facile à comprendre : toute cette énergie doit se dissiper d’une manière ou d’une autre. Une grande partie repart dans l’air extérieur et le reste migre à travers le mur ou le toit jusqu’aux pièces intérieures.
La vitesse de ce flux dépend de la nature du mur et des obstacles rencontrés. Il y a toujours un déphasage. Par exemple, pour une maçonnerie standard, la chaleur rayonne à l’intérieur entre minuit et 4 h du matin.
Réfléchir en façade
Le premier moyen de limiter le transfert de chaleur au travers des maçonneries est de privilégier les revêtements clairs voire blancs, moins absorbants. Dans l’idéal, cela concerne aussi les toitures. Mais cela reste difficile à envisager dans un pays de tuiles et d’ardoises. Toutefois, la solution est applicable en toiture-terrasse.
Un pis-aller provisoire et économique consiste à installer des stores bannes devant les façades au Sud et à l’Ouest. Ils sont dépliés pendant les canicules et empêchent le rayonnement solaire d’atteindre la maçonnerie. Bien plus esthétique, une vigne vierge remplit la même fonction en quelques années.
L’une des solutions actuellement les plus efficaces est de concevoir une isolation thermique sous bardage ventilé. Ce dernier encaisse les à-coups thermiques sans les transmettre à l’isolant grâce à la lame d’air.
Espace tampon en toiture
La toiture, classique ou terrasse, est la paroi la plus exposée. Un comble perdu peut limiter la surchauffe des pièces à vivre placées en-dessous à condition qu’il soit ventilé et que l’isolation se concentre sur le plancher. De nouveaux procédés font l’objet d’expérimentation comme les surtoitures ventilées qui peuvent se définir comme un bardage de toit, qu’il soit plat ou en pente.
Notez que les éléments rapportés comme des panneaux photovoltaïques ou un chauffe-eau solaire contribuent à limiter l’échauffement alors qu’ils ne le font pas s’ils sont intégrés en toiture.
Aménager les abords
Protéger seulement le bâtiment ne suffit pas, surtout en environnement urbain. Les abords sont importants pour limiter le stockage de la chaleur diurne, réverbérer le rayonnement voire apporter de la fraîcheur. Cela passe par la disparition des équipements minéraux ou bitumés non protégés du rayonnement direct. En clair, plus de goudron, plus de gravier, plus de béton mais de l’herbe et des arbres de toutes tailles.
La végétation procure de l’ombre, humidifie l’air et le sol, perméable, stocke mieux l’eau et réduit les ruissellements. Même les allées carrossables peuvent être végétalisées en intégrant des dalles engazonnables sur le tracé.
Végétaliser un toit-terrasse apporte les mêmes avantages mais le coût de réalisation est particulièrement élevé.
Les murs anciens
La revanche des vieux
Ils sont humides et impossibles à réchauffer. Ils sentent le moisi et sont souvent tachés. Pourtant, les murs anciens sont les champions de la fraîcheur en été. Cela tient à l’hétérogénéité des matériaux qui les constituent et, surtout, à leur épaisseur. S’ils chauffent à l’extérieur, l’évapotranspiration interne évacue une grande part de cette énergie avant qu’elle ne traverse. Le déphasage thermique est quasi saisonnier, de plusieurs semaines au minimum. En conséquence, pour un bâti ancien daté d’avant le XXe siècle, il faut faire des choix pour sa rénovation.