La noblesse d’une façade en pierres repose sur leur appareillage et leur association avec le mortier à joint utilisé. Chaque région possède ses particularités. Mais aucune ne préconise la mise à nu : un élément utile à savoir dans le cadre d'une restauration.
Rajeunir un mur en pierre
Longtemps, les nouveaux acquéreurs de demeures anciennes ont cru bon, pour faire rustique, de faire disparaître le reste d’enduit et de pousser le bouchon jusqu’à creuser les joints entre les pierres. Il s’agissait là d’une légère erreur de diagnostic, car ce qu’ils prenaient pour une preuve d’authenticité n’était que le résultat de décennies de manque d’entretien. Car un mortier à joint, au fil des ans, se désagrège. En réalité il y a eu confusion entre l’enduit ciment qui doit être enlevé car il étouffe le mur, l’empêche de respirer ou de sécher et l’enduit ou le joint à base de chaux si nécessaire pour le protéger.
De l'utilité du jointage
Longtemps encore, les professionnels chargés de la restauration de ces bâtisses ne se sont pas posé plus de questions que l’épaisseur du portefeuille du client. Et les joints ont été tant creusés qu’ils ont fini par disparaître, au point que leur absence est désormais considérée comme normale. Heureusement, le joint est de nouveau en vogue. Pas partout, bien sûr, mais les clients et les professionnels ont de nouveau conscience de ses bienfaits.
La première fonction du mortier joint est de stopper les infiltrations et de favoriser l’écoulement des eaux de ruissellement.
La pluie qui vient frapper la façade sous le vent ne traverse plus le mur et s’écoule au sol. Sans le mortier, elle s’infiltre, stagne et finit immanquablement par ressortir à l’intérieur. Si les pierres sont tendres et poreuses, le mortier a tendance à bien les beurrer, de manière à les protéger, jusqu’à les faire disparaître, en totalité ou en ne laissant que les plus grosses. A l’inverse, des pierres dures et non poreuses se contentent de joints plus minces, souvent travaillés de manière à favoriser le ruissellement. L’aspect esthétique est donc le résultat d’un savoir-faire pratique, basé sur les conditions climatiques locales, la disponibilité des matériaux et l’expérience.
L’aide des CAUE
Les CAUE, Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement qui sont des organismes publics présents dans quasi chaque département, ou des associations spécialisées dans le patrimoine, voire encore celles qui s’occupent de l’histoire de la commune, peuvent aider à procéder à des restaurations conformes à la tradition. Les cartes postales anciennes sont une excellente piste d’inspiration. Par ailleurs de grandes marques proposent sur leur site des coloris d’enduits selon les régions de France. En conclusion, joint ou enduit sont souvent indispensables.
La restauration du mur en vidéo
La technique en douze étapes
Les points-clés
Humidification
Avant de sceller une pierre poreuse, il faut la tremper dans de l’eau propre, sinon elle absorbe l’eau du mortier, ne lui permettant pas d’adhérer et empêchant sa prise hydraulique.
Essuyage
Mais cette pierre ne doit pas ruisseler. Ressuyée, elle est seulement humide. Le mortier colle, sans faire refluer d’eau.
En savoir plus
Le mortier doit être moins dur que la pierre
´Le travail au burin permet en même temps de sonder les pierres. Si elles bougent trop, il faut les dégager sans les abîmer et repérer leur emplacement. C’est toujours plus facile de remettre la bonne pierre dans son logement.
Tout ce qui a enlaidi la façade au fil du temps doit être enlevé, à commencer par les vestiges de scellements, ces vieilles pièces en fer rouillé, parfois ancrées en profondeur.
Il est possible d’utiliser des mortiers industriels préparés et dosés en usine. Ils ont l’avantage d’être homogènes et l’inconvénient de l’être un peu trop. Le mortier de recette, préparé sur place, à la bétonnière, est plus nuancé avec des seaux plus ou moins remplis, et quelques variations du dosage en eau. L’aspect d’ensemble est plus naturel, mais à la seule condition d’utiliser toujours le même sable, du début à la fin du chantier. Un changement d’approvisionnement se verra immanquablement. Il faut donc prévoir les quantités en conséquence.
Dans tous les cas, le mortier ne doit pas être plus résistant que la pierre qu’il garnit. C’est l’une des raisons pour lesquelles le ciment Portland est généralement banni, sauf en mortier bâtard et sous conditions. Une recette classique se compose de 300 à 350 kg de chaux NHL, NHL-Z ou HL par m3 de sable. Il est possible d’intégrer un peu de ciment blanc, par exemple 50 à 100 kg pour 150 à 250 kg de chaux, toujours par mètre cube de sable. Une fois le dosage choisi, il doit rester constant durant la totalité du chantier.
Si la profondeur des joints à traiter est supérieure à 20 mm, l’application est réalisée en plusieurs passes.
Eviter le sablage
´Ou l’art d’utiliser un tank pour écraser une mouche. En effet, rien de pire, pour dégager des joints friables, que de louer une sableuse à pression de 7 bars, avec son équipement de protection complet, sans tenir compte des risques de projections que comporte la mauvaise utilisation de cette machine par un amateur. D’autre part, cet outil ne fait pas la différence entre un mortier fusé, un scellement sain et une pierre tendre. Tout y passe et se retrouve «poli comme un crâne de chauve».
Le résultat final, une fois les joints refaits, ressemble plus à un décor en plaquettes de parement premier prix qu’à une façade en pierre d’origine. Selon le même principe, le nettoyeur à haute pression, avec ou sans sablage, est à éviter.