Economiser l’énergie est le principe fondateur de toutes les réglementations thermiques qui se sont succédées depuis 1974. Parmi les solutions utilisées pour lutter contre la chaleur se trouve l'isolation thermique. Elle permet de limiter la pénétration de la chaleur à l'intérieur. La plus efficace étant l'isolation thermique par l'extérieur qui ralentit le réchauffement de la maçonnerie et donc de la maison.
Pourquoi ma maison se réchauffe ?
Au début du millénaire, les toqués de la RT (Réglementation thermique) ont inventé la TIC, ou Température Intérieure Conventionnelle, un concept piquant. Il s’agit en effet de la température maximale atteinte à l’intérieur du bâti lors d’une séquence de 5 jours consécutifs de forte chaleur. Comme il s’agit d’une convention, elle est calculée à partir d’un bâtiment de référence, c’est‑à‑dire une chimère théorique (méthode de calcul Th‑BCE 2012), et fixée arbitrairement à 26 °C. Cette définition est devenue une exigence de résultat dans la réglementation en cours (RT2012). Cela signifie que le constructeur doit garantir que le logement ne dépassera pas cette température pendant une canicule.
Le principe théorique expose que si la température dans le logement ne dépasse pas ces fameux 26 °C, il n’a pas besoin de climatisation. En réalité, de nombreux occupants se plaignent de chaleurs excessives en été (42 %, étude Cerema).
L’explication est simple comme une bouteille thermos : il y a d’abord une marge entre la théorie calculée dans un bureau climatisé et la réalité de terrain. Car, même en multipliant à l’envi les paramètres censés refléter la réalité au plus près – et la future RE2020 va en introduire de nouveaux – il y a toujours des écarts, des aléas, comme les vagues de chaleur de plus en plus fréquentes et extrêmes, absentes des statistiques. D’autre part, si le bâtiment est parfaitement isolé et conçu de manière à ne pas perdre la moindre calorie, il remplit aussi bien son objectif en été qu’en hiver. Ainsi, ce qui est un avantage par temps froid devient un inconvénient en période de canicule. Même en partant du principe que le bâtiment lui‑même est neutre sur le plan thermique, le seul fait de l’utiliser, crée des apports de chaleur internes qu’il a grand peine à évacuer.
Parmi ces derniers, les appareils électriques jouent un rôle prépondérant, dans la cuisine, pour la préparation des repas, ou ailleurs pour les loisirs ou le travail (box, écrans, ordinateurs, chargeurs,…), ainsi que l’éclairage. Il faut aussi compter sur l’eau chaude sanitaire, les travaux ménagers, etc. En outre, la conception de la réglementation favorise les apports externes. Les grandes portes‑fenêtres du salon en sont le meilleur exemple.
Elles sont conçues pour empêcher la chaleur de sortir, mais moins dans le sens inverse. D’autre part, elles sont moins isolantes qu’un mur épais. Elles transmettent donc la chaleur par conduction et convection, même si elles sont protégées d’un ensoleillement direct estival par un brise‑soleil. La dernière raison, commune à l’ensemble des bâtiments, isolés ou non, est notre définition personnelle du confort ou de l’inconfort et notre capacité à endurer ces périodes pénibles.
26°C c'est la température intérieure qu'une maison aux normes ne devrait pas dépasser
Privilégier l'inertie
Les études s’accordent pour établir que le meilleur moyen de préserver le confort d’été, après avoir empêché le soleil d’entrer, est de disposer, à l’intérieur, de matériaux lourds à forte inertie. De manière empirique, tout est bon, à commencer par le béton, en plancher ou en mur de refend. Mais il s’agit aussi des parois en matériau traditionnel, comme la terre crue, la brique, le plâtre. Il n’est même pas nécessaire que ces éléments soient utilisés en façade. C’est donc un bon moyen pour apporter de l’inertie thermique à des bâtiments qui en sont dépourvus, les MOB (Maisons à Ossature Bois) par exemple, avec leurs façades légères.
Un noyau central ou des cloisons de distribution en matériau lourd compenseront cet inconvénient.
Notez que l’aménagement intérieur joue également un rôle en été, mais strictement inverse à celui de l’hiver. Ainsi, pour favoriser le chauffage, il faut prévoir de vastes espaces en limitant les cloisons de distribution. C’est l’inverse à la belle saison, plus il y a de pièces, plus lent est le réchauffement, de la périphérie vers le centre du logement.
Quelle méthode pour isoler
Pour le neuf comme en rénovation, vis‑à‑vis du confort d’été, le choix du matériau isolant importe peu. En effet, par définition, il s’oppose aux transferts de chaleur. Il est vrai que certains peuvent la stocker. C’est le cas des matériaux fibreux ou en vrac. Cet inconvénient est bien connu dans les combles aménagés, protégés par une laine isolante.
Mais plus que le matériau, sa disposition joue un rôle majeur. Ainsi, placé du côté intérieur, l’isolant thermique supprime l’effet de l’inertie de la maçonnerie et expose directement celle‑ci au rayonnement solaire.
L’isolation thermique, l’été, sera bien plus efficace si elle est posée en façade, côté soleil. Grâce à elle, la montée en température de la maçonnerie, cette fois à l’intérieur, sera plus faible et décalée dans le temps. Il est alors beaucoup plus facile de lisser les heures les plus chaudes, puisque les murs peuvent mieux jouer leur rôle inertiel, en absorbant une partie des apports liés à l’activité.
Tout cela est facilement évacué par la ventilation nocturne. De ce fait, les compteurs sont remis à zéro tous les matins, au lieu de conserver une partie de l’énergie des jours précédents. Si le plus important est de placer l’isolant côté extérieur, un avantage complémentaire est apporté par les systèmes à façade ventilée de type bardage. Ce procédé évacue une partie de la chaleur absorbée par le revêtement grâce à la circulation d’air ascendante en sous face.
Dans cette configuration, la maçonnerie est protégée par l’isolant, lui‑même protégé par la lame d’air.
Ce procédé est applicable au neuf comme à la rénovation. Pour le neuf, l’isolation répartie apporte les mêmes avantages, quelle que soit la méthode choisie, à base de blocs coffrants, de parpaings isolants, de briques monomur,… L’inertie thermique est préservée par le côté intérieur de la maçonnerie, avec un bon déphasage obtenu par les différentes épaisseurs d’isolation thermique intégrée.
Se préserver de la chaleur
Dans un bâtiment déjà construit et isolé, les aménagements possibles s’effectuent à la marge, avec la protection des ouvertures, ou le recours à des appareils électriques à faible consommation. C’est surtout aux occupants de prendre en charge leur confort.
La première mesure, à appliquer chaque fois que c’est possible, est d’ouvrir fenêtres et volets la nuit.Le taux de renouvellement est d’autant plus important si un courant d’air traversant peut être établi. Cette ventilation nocturne permet d’évacuer les excédents de chaleur accumulés.Le second réflexe est de réduire les apports de chaleur liés aux activités. Cuisiner au four par temps de canicule est à éviter, comme le repassage, le sèche‑linge, etc.Le bâtiment peut disposer de quelques éléments qui permettent d’obtenir un certain rafraîchissement.Il s’agit généralement de procédés actifs, consommateur d’énergie (plancher ou plafond rafraîchissant, climatisation,…). Les systèmes passifs sont rares et à l’efficacité peu documentée, à l’exemple des MCP, Matériaux à Changement de Phase. Ces enduits comportent des capsules de cire qui absorbent une partie de l’énergie en se liquéfiant. Outre la durabilité de l’encapsulation, il reste toujours la nécessité de ventiler pour évacuer l’énergie stockée (solidification).
Un peu d'histoire
Pourquoi les maisons anciennes restent fraîches ?
Parce que les anciens ne savaient pas faire autrement ! Il est toujours de bon ton de rappeler la sagesse d’antan, le bon sens perdu et le génie instinctif. Mais dans le cadre de la lutte contre la canicule, le résultat est surtout une conséquence fortuite et non recherchée. Car si on célèbre la douceur tempérée du mas provençal, on oublie de relever l’épave thermique que représente l’église au centre du même village, où on s’enrhume même au 15 août.
En réalité, nos anciens, pragmatiques, utilisaient d’abord les ressources du pays, l’argile, la pierre ou les deux, la brique, le plâtre et la chaux. En comparaison de notre mas provençal, on peut citer le granit breton, tout aussi performant l’été, sans une longue tradition de chaleurs infernales. D’autre part, à défaut de calcul savant, il fallait prévoir une bonne marge pour éviter que tout s’écroule.
Alors les anciens construisaient très épais.
En ville, dans ce que l’on appelle aujourd’hui une zone urbaine dense, on construisait serré, comme c’est d’ailleurs le cas actuellement. Au même endroit, le bois était souvent interdit pour cause de risque d’incendie. Enfin, les ouvertures étaient chères, parfois taxées (impôt sur les fenêtres) et fragilisaient la maçonnerie. Elles étaient donc réduites au minimum.
En combinant ces différents critères, cela débouche sur un environnement urbain dense, qui limite l’ensoleillement, et fortement minéralisé, ce qui augmente l’inertie thermique. Chaque bâtiment participe au bilan avec des murs épais et des petites ouvertures. Une configuration parfaite pour limiter la canicule. Mais sans le faire exprès.
Bien sûr, il y a bien quelques adaptations qui pourraient être inscrites à l’actif du génie humain, comme les volets persiennés du Comté de Nice. Mais ont‑ils vraiment été créés pour lutter contre la canicule ou bien, pour continuer la galéjade, pour l’étude assidue de la vie des voisins ?