Il y a longtemps qu’on isole, mais avec des méthodes plus ou moins efficaces. Aujourd’hui, 38 millions de logements existent mais avec beaucoup de défauts thermiques. Revue de détail dans l'Hexagone.
De l'abri au confort
L’habitat est avant tout le meilleur moyen que l’Homme a trouvé pour se mettre à l’abri. Il a gagné en sophistication au cours de l’évolution. Est alors apparue la notion de confort qui permet de passer du besoin de se protéger à l’envie de se sentir bien. Cette transition s’est effectuée de manière progressive. L’enveloppe du bâtiment n’a guère subi de changement, principalement guidée par les principes physiques de solidité ou d’étanchéité, adaptés par les pratiques constructives locales.
Le secteur du bâtiment consomme 45 % de l’énergie finale en France et représente le quart des émissions de gaz à effet de serre.
Gérer l'héritage
Le confort était facilement obtenu en compensant les pertes de l’enveloppe par un apport d’énergie interne.
Mais il faut abandonner l’idée selon laquelle le besoin de confort est une préoccupation récente. Il a toujours existé. En revanche, au fil du temps, il a fallu de plus en plus d’énergie pour le combler.
Il faut aussi abandonner l’idée selon laquelle « c’était mieux avant » et que « les anciens avaient tout compris ». S’ils avaient connu la climatisation ou le chauffage central dans les cavernes, ils l’auraient installé. Ainsi, les stratégies de confort développées dans l’habitat traditionnel sont obsolètes. Cela ne signifie pas que les matériaux anciens sont dépassés. Mais il faut les intégrer dans une conception moderne de l’habitat.
La première réglementation thermique efficace date de 1982. Paradoxalement, la dernière enquête de l’Insee sur la répartition des logements selon leur année d’achèvement date de plus de quinze ans. Elle ne tient pas compte des résidences secondaires, et donc des effets des réglementations thermiques de 2005 à 2020. À l’époque, le parc comptait environ 32 millions de logements. Il est donc possible de considérer que 6 millions de logements correspondent ou avoisinent les normes actuelles. Pour le reste, impossible de savoir. Car l’année de construction n’est qu’un indicateur parmi d’autres. Il ne tient pas compte de la zone géographique, de la nature et de la qualité de la construction, pas plus que de ses évolutions au cours du temps, telles que des agrandissements ou modifications. Et il est tout aussi muet sur les tentatives d’isolation thermique, leur mise en œuvre et leur état actuel. Par exemple, quelle peut être l’efficacité aujourd’hui d’un rouleau de laine de verre de 10 cm installé sur le sol d’un comble en 1974 ? Ou de l’isolation en polystyrène des murs d’une maison de 1983
À l’échelle du pays, la rénovation du parc de logements existants est donc un enjeu macroéconomique majeur. Ainsi, le secteur du bâtiment consomme 45 % de l’énergie finale en France et représente le quart des émissions de gaz à effet de serre. Les politiques publiques visent à améliorer l’efficacité énergétique de ce parc au moyen d’aides ciblées. Mais ces dispositifs ne remplissent pas les objectifs, car ils se heurtent à un problème majeur : les occupants.
Il y a d’abord le paradoxe énergétique : nous ne choisissons pas les meilleures solutions et nous ne profitons pas de la totalité des gains théoriques de nos travaux. De nombreuses publications tentent de l’expliquer. Il y a d’abord le manque d’information, des propriétaires comme des constructeurs et autres rénovateurs. Puis le fait que les économies ne profitent pas toujours à celui qui paye (propriétaire / locataire). Aussi, ces économies sont directement liées au coût très fluctuant de l’énergie, alors que celui des travaux ne baisse pas. De plus, elles dépendent de la structure du foyer, de l’utilisation du logement et de sa destination (résidence principale ou secondaire). À cela s’ajoute l’effet d’aubaine, qui vise à choisir une solution principalement pour son intérêt fiscal, et l’effet rebond, qui nous pousse à consommer l’économie réalisée d’une autre manière (température plus élevée, achat d’appareils électroménagers…). Même la structure sociale joue un rôle les ménages aisés se chauffent plus que les ménages modestes. Plus le logement est récent, plus on se chauffe.
Déperditions thermiques
Compte tenu de ce qui précède, il est difficile de dresser un état des lieux des travaux à envisager pour rénover un logement sur le plan de son isolation thermique.
Chaque logement est un cas particulier qu’il convient de traiter élément par élément. Heureusement, les comportements physiques sont toujours les mêmes. Dans un bâtiment, trois points sont à surveiller :
- Les déperditions de surface concernent toutes les parois en contact avec l’environnement extérieur ou des locaux non chauffés. Il s’agit donc des façades, des planchers bas et du toit. Leur importance est directement liée aux matériaux utilisés et à la configuration des locaux. Ainsi, dans une maison de ville étroite, à plusieurs étages, aux façades percées de grandes fenêtres, flanquée de bâtiments mitoyens, les déperditions vont se limiter au toit et aux baies. À l’inverse, pour une maison de plain-pied isolée en pleine campagne, à toit-terrasse, à surface habitable équivalente, les surfaces en contact avec l’extérieur sont largement supérieures, et donc les déperditions surfaciques aussi.
- Les ponts thermiques correspondent à des défauts d’isolation. Ils sont donc inexistants dans les logements non rénovés, car ils se confondent avec les pertes précédentes. En revanche, si des travaux d’isolation sont entrepris, leur importance augmente. Il faut donc les intégrer dans le projet de rénovation.
- Les déperditions de renouvellement sont liées à la ventilation des logements. Elles se confondent avec les précédentes dans le bâti ancien, où les courants d’airs participent beaucoup au tirage du conduit de cheminée. Ici aussi, leur importance est proportionnelle à la qualité de l’isolation. Lorsque les exigences de la RE 2020 sont appliquées, la ventilation devient même le premier poste de déperditions. C’est normal, puisqu’il est possible de traiter la paroi et les ponts thermiques, mais qu’il reste encore nécessaire de pouvoir respirer un air sain !
Répartition des déperditions thermiques
Les moyennes dans une maison individuelle
Ces indications figurent dans le guide des recommandations pour l’application du DPE (édition 2009). Il s’agit de cas d’école, chaque bâtiment est un cas particulier. Toutefois, la configuration du logement exerce une influence importante : les pertes par le toit (T), la ventilation (V) et par le plancher bas (PB) augmentent en proportion dans la maison mitoyenne. Dans la maison isolée, les pertes par les ponts thermiques augmentent (Pth), ainsi que, dans une moindre mesure, celles des murs (M) et des fenêtres (F). Rappelons qu’il s’agit là de proportions : les déperditions thermiques de la maison bien isolée sont quatre fois plus faibles que celles des deux autres !