Contre les inondations, combiner les stratégies

Les inondations surviennent en toutes saisons. Mais si leur origine est toujours liée à un excès de précipitations, leur manifestation dépend en grande partie du relief et de la durée de l’épisode pluvieux. Le temps semble devenir plus extrême, il faut donc se protéger et contre l'eau il n'y a pas pas une solution mais une combinaison de stratégies.

Tout un choix de crues

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L’épisode méditerranéen est l’exemple typique des inondations torrentielles. Le phénomène se produit des Pyrénées à l’Italie. Ces inondations sont de courte durée, de quelques heures à peine. Mais les dégâts sont considérables, car l’eau arrache et emmène tout sur son passage. Chaque débris, quelle que soit sa taille, devient un projectile, bombardé sur les berges en aval. Il s’agit là d’un schéma général, car il n’existe pas deux crues identiques. Les crues rapides, sous la forme de coulée de boue, se rencontrent aussi dans des régions au relief moins marqué, dans le Nord, par exemple. Les dégâts matériels sont généralement moindres, mais le bilan humain est comparable. Il est utile de rappeler à ce stade de ne pas circuler à proximité des cours d’eau avant ou pendant une crue. 40 à 70% des victimes de ces inondations se font piéger dans leur véhicule.
Dans le cas de l’inondation de plaine ou lente, il s’agit surtout d’un rappel à l’ordre de la Nature. A la suite d’un épisode pluvieux régulier et de longue durée, une rivière sort lentement de son lit mineur, pour occuper son lit moyen, voire son lit majeur. Le souci est que nos villes sont installées… dans le lit moyen, pour la plupart d’entre elles. Imbus de notre talent technique, nous avons imaginé qu’il suffisait d’ériger des digues pour se protéger. Mais l’eau remonte de partout et se fiche de nos protections, comme la mer des châteaux de sable.
Dans ces conditions, les dégâts occasionnés sont très différents. Les bâtiments baignent dans l’eau plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Ils sont inhabitables et finissent par devenir insalubres. Car l’eau stagnante est chargée de tous les polluants possibles, de la fosse septique à la cuve de fioul, des rejets agricoles aux zones industrielles.

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Certaines zones bâties sont régulièrement inondées, au point que les assureurs ne considèrent plus qu’il s’agit d’un aléa, mais d’un fait certain.

Les trois stratégies de lutte

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Éviter

Pour se prémunir d’une inondation, la première idée consiste à construire hors d’atteinte. C’est la stratégie Éviter. Elle peut être mise en œuvre pour le neuf, sur des terrains au‑delà du lit majeur ou, plus fréquemment, en surélevant les bâtiments, par des pilotis par exemple, comme les maisons de Gruissan Plage.

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Résister

Si les bâtiments existent, la deuxième idée de bon sens est de se protéger. Elle permet de se prémunir pour des sites reconnus comme inondables sans pour autant être critiques. En effet, certaines zones bâties sont régulièrement inondées, au point que les assureurs ne considèrent plus qu’il s’agit d’un aléa, mais d’un fait certain. Ce qui leur permet de refuser d’apporter leur garantie. Dans ce cas, Éviter ou Résister n’est pas possible.

Céder

Comme le bâtiment est régulièrement inondé, il est moins coûteux de l’adapter à la présence de l’eau, en abandonnant le rez‑de‑chaussée, par exemple. Les maisons sur sous‑sol total des années 50‑60 en sont un exemple. Le pavillon de plain‑pied est le contre‑exemple, inadaptable, sauf à construire un étage supplémentaire.

Les actions à privilégier

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Les limites

Aucune de ces trois stratégies n’est adaptée aux crues à courant fort ou torrentielles. Il faudrait en effet prévoir des procédés renforcés trop coûteux et peut‑être même pas habitables. Rappelons aussi que l’inondation est un aléa qui peut survenir, ou pas. Dans les stratégies Résister ou Éviter, il faut donc que le coût des travaux à entreprendre soit raisonnable. Les caractéristiques de la montée des eaux sont également importantes.

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Pour que les protections soient efficaces, il faut que la hauteur d’eau maximale envisagée ne dépasse pas 1 mètre au‑dessus du plancher bas. Au‑delà, les pressions exercées sur les murs provoquent des désordres sur la structure. Il faut aussi avoir le temps de mettre en place ces protections. Ce qui signifie qu’il faut pouvoir être prévenu suffisamment tôt et qu’il faut savoir où elles sont rangées et comment les utiliser. Un petit exercice annuel est le bienvenu. Enfin, il n’existe pas de système de protection entièrement efficace. Pour limiter les dégâts, il faut que l’inondation soit de courte durée et prévoir des moyens de pompage autonomes.
C’est confirmé. Vous l’avez vérifié. Votre maison est située dans une zone inondable. Poste par poste, voici ce que vous pouvez entreprendre. L’idée est de réduire la vulnérabilité du bâtiment, de lui permettre de résister momentanément, mais aussi de faciliter la remise en état en cas d’inondation.

Gros œuvre

Traitement au mastic maçonnerie des joints, des fissures, des liaisons avec les menuiseries. Il ne doit subsister aucune fissure. Si le revêtement est dégradé, la réfection de l’enduit ou le ravalement de façade est une bonne solution.

Obturation de tous les orifices jusqu’à 1 m au‑dessus du sol, tels que des conduits de ventilation ou de drainage. Si leur utilité ne permet pas de les boucher, envisager une autre solution (ventilation intérieure, par exemple) ou, en dernier recours, prévoir des bouchons à mettre en place, par l’extérieur, en cas de crue. Inspecter et étancher toutes les traversées de la maçonnerie, et en particulier les fourreaux (tuyaux d’arrivée d’eau, de gaz, etc.), à étancher, si possible, en amont (armoire électrique, compteur en bord de voirie,…).
Prévoir d’abandonner le vide‑sanitaire à la montée des eaux. Vérifier la fixation des tuyaux qui circulent dedans.
Remonter le système d’étanchéité extérieure des fondations jusqu’à 1 m au‑dessus du sol, au lieu de 15 cm. Vérifier et étancher (cuvelage) la liaison, à l’intérieur, entre les dalles de plancher et les murs périphériques. Les planchers susceptibles d’être inondés doivent être en béton.
Si le chantier est envisagé, privilégier une isolation par l’extérieur, à l’aide d’isolants peu sensibles à l’eau, collés et fixés mécaniquement en façade.

Second-œuvre

Il est très impacté par la présence de l’eau, mais le second‑œuvre ne participe pas à la protection des locaux.
En revanche, des choix judicieux accélèrent la remise en état :

  • Monter les cloisons en carreaux de plâtre pleins (non alvéolés) de préférence hydrofuges.
  • A défaut distribuer les cloisons en plaques de plâtre sur ossature aluminium, sans traitement des joints, pour faciliter leur démontage et leur remplacement.
  • Privilégier les isolants thermiques résistants à la pénétration de l’eau. A ce jour, seuls les isolants de synthèse conviennent (polystyrène, polyuréthane, etc.), à condition d’être collés ou fixés mécaniquement.
  • Proscrire les revêtements de sol et de mur hydrophiles (moquettes, parquets, papier peint, lambris, etc.). Privilégier des revêtements durables et faciles à nettoyer, comme la peinture microporeuse ou le carrelage.
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Réseaux de plomberie et assimilés

Le réseau d’alimentation est peu impacté, mais il reste inutilisable longtemps du fait de la perte de potabilité de l’eau. Installer des clapets anti‑retour sur tous les conduits d’évacuation qui sortent du bâtiment, à commencer par les toilettes. Vérifier régulièrement leur état et leur fonctionnement.
Prévoir des couvercles de regard verrouillables qui ne pourront pas être soulevés par la pression de l’eau. Cela limite les risques d’accident pendant l’inondation et l’engorgement des réseaux par la boue.

Installations électriques

Privilégier une pose en apparent, sous goulotte PVC, facile à ouvrir pour faciliter l’inspection et le séchage.
Concevoir un réseau en pieuvre descendante, du plafond vers le sol, moins impacté et qui ne retient pas l’eau. Coût : abordable. Remonter hors d’eau le tableau électrique. Faire de même pour le ballon, l’installation de climatisation (intérieur/ extérieur),…

Menuiseries et fermetures

Installer des batardeaux, des systèmes d’occultation pour les soupiraux, le bas des portes, voire les fenêtres. Les procédés les plus efficaces se fixent par l’extérieur, placés en façade ou en pression dans l’épaisseur du tableau. Ne pas oublier de protéger la porte de communication entre le garage et la maison.
Remplacer toutes les menuiseries vétustes par des produits neufs, qui privilégient un indice E élevé (étanchéité à l’eau, jusqu’à 9) de leur classement AEV, en plastique ou en métal. Proscrire les menuiseries en bois ou dérivés, pour les portes intérieures aussi. Idem pour les volets, la porte de garage (manuelle ou débrayable), etc.

À l'extérieur

Arrimer les cuves sur des ancrages profonds, en béton. Vérifier l’étanchéité des couvercles : le fioul est plus léger que l’eau.
Délimiter l’emplacement de la piscine enterrée avec de grands piquets : lorsque le terrain est inondé, sa présence est indécelable et peut provoquer des accidents.
De façon générale essayez d'éviter un jardin trop terrassé, ou bétonné sur plusieurs niveaux car vous construisez sans le vouloir le lit de torrents en cas de pluie. Il faut des zones de rétention ou d'absorption ou des barrières de détournement.

Les risques

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Inondations :
- Destructions de meubles
- Bris de baies vitrées
- Ravages électriques
- Destruction des cloisons en plâtre
- Ruine des revêtements de murs

A quels dégâts faut-il s'attendre ?

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Les matériaux, éléments et équipements qui composent un bâtiment ne réagissent pas de la même façon à un séjour plus ou moins prolongé dans l’eau.
Sont peu vulnérables : les fondations (murs enterrés, vide sanitaire, dalle de terre‑plein), les murs massifs (béton, parpaing, brique,…), les enduits et revêtements extérieurs, les menuiseries PVC ou aluminium. Outre le délai de séchage plus ou moins long, ces éléments ne subissent pas de dommage à long terme.

A l’inverse, sont très vulnérables : les cloisons de distribution intérieures (à l’exception du carreau de plâtre et de la brique plâtrière), de nombreux revêtements intérieurs (papiers peints, lambris, parquet, stratifié, moquette,…), les menuiseries et planchers en bois, les installations de chauffage et d’eau chaude, le réseau et les installations électriques, les isolants en vrac ou en laine de toutes natures. Ces éléments sont difficilement réparables et se dégradent au premier contact avec l’eau. En règle générale, il n’y a pas d’autre moyen que les remplacer à neuf.

Enfin, sont moyennement vulnérables, donc réparables, les autres revêtements intérieurs (enduits, peintures microporeuses, carrelage), le réseau de plomberie, le réseau de ventilation, les cuves (fioul, gaz,…), les fosses septiques et toutes eaux, les panneaux isolants de synthèse (mais ils flottent).

Les maisons en bois, ossature ou poteau‑poutre, constituent une classe à part. Si le bois massif peut résister à une immersion momentanée (moins de 3 jours), ce n’est pas le cas de tous les matériaux dérivés, les lamellés, les agglomérés, les contreplaqués, les OSB, les MDF, les laines, les ouates, etc. La construction entière est donc très vulnérable. Bien sûr, il faut ajouter à cette interminable liste tout ce qui constitue le mobilier, c’est‑à‑dire les équipements non fixés et ce qu’ils renferment (meubles, électroménager, vêtements, denrées, etc.). Très peu d’entre eux sont récupérables après un séjour dans l’eau, même de courte durée.

Vulnérabilité face à l'eau

Co Conseil

Lutter contre l'eau... Cela vaut-il la peine ?

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Surélever une maison existante est possible dans la plupart des cas. Mais à quel coût ? Cet exemple illustre les difficultés rencontrées pour juger la pertinence des travaux à réaliser. Si le bâtiment se situe dans une zone où le risque d’inondation est estimé à échéance de 400 ans, il est plus rentable de ne rien faire et d’espérer en sa bonne étoile.
A l’inverse, si les locaux sont régulièrement inondés (8 fois en 10 ans à Roquebrune‑sur‑Argens), les solutions les plus onéreuses peuvent être justifiées.
Avant d’entreprendre des travaux, il faut donc se renseigner sur le rythme de survenance des crues et leur importance. Dans la plupart des cas, un principe raisonnable consiste à retarder le plus possible la pénétration de l’eau, mais sans espérer être étanche à 100 %.

Pendant et après l'inondation

AS Astuce

Aménager et équiper un refuge

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Les maisons de plain‑pied sans étage ne peuvent pas être facilement protégées. En cas d’inondation, elles se transforment en piège. Les autres maisons, isolées par les eaux, peuvent bloquer leurs habitants durant plusieurs jours. Il est d’ailleurs recommandé de ne pas sortir en cas de crue.
Un refuge comporte le nécessaire pour tenir quelques temps. Il est évidemment hors d’eau, le plus souvent dans les combles. D’abord, il est accessible par l’intérieur de la maison, mais aussi par le toit, afin de faciliter l’évacuation par les secours. Il est assez grand pour accueillir l’ensemble des occupants. Prévoyez un stock régulièrement renouvelé d’eau en bouteilles, de nourriture en boîte ou à longue durée, qui puisse être avalée froide ou rapidement préparée sur un petit réchaud de camping à gaz.
Entreposez des vêtements chauds, de quoi dormir. Il n’y aura pas de chauffage. Les systèmes d’appoint, à pétrole ou au gaz, sont trop dangereux dans ces conditions.
Conservez des lampes et une radio fonctionnant sur piles, un chargeur de portable manuel (dynamo), même si les communications sont rarement possibles (relais noyés).
Prévoyez enfin de quoi signaler votre présence à l’extérieur, un grand drap, par exemple.

AS Astuce

Un coup de pompe

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Prévoir une pompe pour vider au plus vite les locaux inondés est utile. Cela peut même être un achat groupé entre voisins. Mais, pour éviter les déboires, il faut une pompe pour eaux chargées et auto‑amorçante. Elle doit être manuelle ou à moteur thermique, car l’électricité risque fort d’être coupée dans tout le quartier. Si elle est thermique, il ne faut pas la faire fonctionner à l’intérieur des bâtiments.

Co Conseil

Après l'inondation

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A court terme : débarrasser les niveaux inondés du mobilier et des équipements qui s’y trouvent. Pomper l’eau et évacuer la boue avant qu’elle ne sèche.
A moyen terme : mettre les murs et les sols à nu. Percer la base des cloisons creuses. Démonter les prises, interrupteurs et goulottes électriques. Instaurer un courant d’air permanent. Installer des déshumidificateurs de forte puissance. Maintenir le dispositif jusqu’au séchage complet.
A long terme : tirer les enseignements de cette inondation pour ne pas reproduire les mêmes erreurs (électroménager dans le garage, choix des revêtements,…).